Belle réédition par Delcourt de Torso, un roman graphique aussi noir que l'encre utilisée par le dessinateur Marc Andreyko pour illustrer le récit glaçant de Brian Michael Bendis sur un serial killer qui s'en prend aux déshérités de Cleveland. Face à lui, Eliot Ness, fraîchement arrivé de Chicago. Une histoire inspirée de faits réels.
En 1935, le maire de Cleveland veut bénéficier du prestige de celui qui a fait tomber Al Capone. Mais l'incorruptible ne se contente pas de lutter contre la criminalité galopante, il vise à éradiquer la corruption qui règne au sein de la police et de l'administration. Ce que l'édile ne voit pas d'un bon oeil. C'est dans cette situation tendue qu'un cadavre sans tête ni membre est découvert. Puis un autre, et encore un suivant. Panique en ville où le serial killer est appelé "The Cleveland Torso Murderer". Ness, qui s'est mis pas mal de policiers à dos, ne peut compter que sur un duo de flics intègres. L'enquête peine à avancer, la population et les autorités perdent patience.
Torso fascine autant par la construction du récit que par sa mise en page. Avant de prendre en main quelques-uns des personnages phares de Marvel et DC Comics (Spider-Man, Daredevil, X-Men, Superman), Brian Michael Bendis signe une histoire prenante qui nous entraîne dans les bas-fonds de l'Amérique, où les laissés pour compte sont victimes de la crise et d'un tueur à l'exceptionnelle précision. S'agit-il d'un chirurgien ? d'un boucher ? Jusqu'à ce jour, le mystère reste entier mais BMB avance une piste plausible. Il excelle aussi à faire ressortir les relations qui unissent ou opposent les protagonistes. Eliot Ness doit faire face aux préjugés des uns, à la haine ou au mépris des autres, à la lassitude de sa femme. Il n'est pas exempt de tout reproche non plus : son entêtement et sa radicalité plombent des investigations qui s'embourbent sur les berges de la rivière Cuyahoga qui traverse la métropole de l'Ohio. Quant aux deux policiers à ses côtés, ils abordent cette affaire avec détermination avant qu'elle les amène à se révéler l'un à l'autre. Un beau travail pour lequel Bendis reçoit l'Eisner Award du meilleur espoir lors de la sortie initiale du comic book, en 1999.
Marc Andreyko s'inspire de photos de l'époque, et les intègre parfois à ses cases ou à ses planches (découvrez un extrait). Des planches dont il fait basculer, voire exploser la structure, pour rendre compte de la folie qui s'empare des personnages, ou de leur enfermement mental. Comme dans des films des années 1930, les visages sont comme surexposés, éclats de blanc jaillissant des ténèbres. Un traitement original qui instaure une ambiance poisseuse.
En annexe, Delcourt propose des photos et documents d'époque ainsi que l'analyse d'une affaire que Bendis et Andreyko ont tiré des oubliettes de l'histoire. Pour en faire une oeuvre marquante de la bande dessinée.
Anderton

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