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dimanche 23 novembre 2025

BD - Civilisation aztèque : course contre la montre

Les sentiers d'Anahuac BD CINEBLOGYWOOD

Vingt ans après la conquête du Mexique, la civilisation aztèque se meurt, en voie d'éradication par les Espagnols qui imposent leur religion et leurs coutumes à un peuple vaincu. Un missionnaire franciscain et ses jeunes protégés indiens entreprennent alors de recueillir les témoignages des autochtones. Une histoire vraie que Romain Bertrand et Jean Dytar racontent dans une des plus belles bandes dessinées de l'année : Les sentiers d'Anahuac, aux éditions Delcourt.


Cette histoire vraie, c'est celle du Codex de FlorenceIntitulé Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne avant de devenir la propriété de la famille Médicis (d'où son nom actuel), le manuscrit composé de douze livres a été rédigé par des scribes nahuas (peuple autochtone de l'actuelle ville de Mexico) sous la supervision du frère Bernardino de Sahagun de 1558 à 1577. Cette imposante encyclopédie décrit la société aztèque, son histoire, ses croyances, ses moeurs dans des textes bilingues, en espagnol et en nahuatl. Ils sont illustrés par plus de 2500 dessins.

Le religieux espagnol s'est engagé dans cette vaste entreprise avec l'idée qu'en connaissant mieux le peuple aztèque, l'Eglise pourrait venir à bout plus facilement de ses pratiques jugées païennes et le convertir au christianisme. Par une ruse de la raison, le Franciscain, en voulant éradiquer des us et coutumes ancestrales, a sauvé de l'oubli un monde en voie de disparition.

Passionnante histoire, centrée sur le jeune Indien Antonio Valeriano, que Romain Bertrand et Jean Dytar racontent dans un album magnifiquement pensé et conçu, au format carré, dont la couleur du papier évoque celle du parchemin. Le graphisme associe des dessins en noir et blanc, "ronds", qui évoquent les gravures sur bois de l'époque, avec ses hachurages caractéristiques, pour représenter le monde de la Nouvelle-Espagne, et des illustrations qui semblent jaillir tout droit du codex : personnages et objets à plat, parés de couleurs vives, pour représenter la civilisation aztèque. Sur le fond comme sur la forme, tout le récit est imaginé comme un dialogue - souvent contrarié - entre deux mondes que tout oppose. La soif de connaissance se heurte à la violence coloniale. Pour autant, les auteurs ne tombent jamais dans le manichéisme.

Cases et phylactères de la BD se mêlent aux représentations graphiques aztèques. Certaines cases recouvrent d'ailleurs des glyphes colorés, magnifique illustration d'une civilisation qui prend le dessus sur une autre, sans tout à fait l'éradiquer, à l'instar des églises et palais de Mexico, bâtis avec les pierres des temples aztèques. Les sentiers d'Anahuac emporte les lecteurs dans un récit passionnant, émouvant, porté par une grande rigueur scientifique et une mise en page originale. Du grand art.

Anderton

 

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