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mercredi 16 juillet 2025

Gwendal Padovan : "John Sayles est un des parangons du cinéma américain indépendant" (2/3)

John Sayles CINEBLOGYWOOD

Parmi les premiers titres édités par Intersections figure Matewan, le film le plus célèbre et le moins vu de son auteur, le cinéaste américain John Sayles. Pourquoi ce choix ? Pour quelles raisons il faut redécouvrir John Sayles ? Eléments de réponse avec le fondateur d’Intersections, Gwendal Padovan (2/3)


L’un des faits marquants d’Intersections, c’est la sortie de Matewan, de John Sayles, en 2024, couronné par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma comme meilleure édition patrimoine. Pourquoi ce choix ? 

J’ai acquis nos 4 premiers films en même temps – Maria’s Lovers, Dingo, Matewan et Mad Dog Morgan. Pour chaque édition, on apprend à chaque fois, de nouveaux problèmes, etc. Sur Matewan, je cherchais à acquérir des suppléments issus d’éditeurs étrangers. Cela s’est révélé très compliqué. Cela m’a poussé à sortir de ma zone de confort. J’aime fabriquer les éditions, rencontrer les membres de l’équipe, c’est passionnant. Pour Matewan, il fallait repérer les membres, trouver les contacts. J’ai eu l’occasion de me rendre chez John Sayles et sa productrice et compagne, Maggie Renzi. Un couple qui fonctionne parfaitement à tous les niveaux. Ils se sont beaucoup exprimés, sur Matewan, bien sûr, mais pas seulement. Matewan n’est pas le seul film que j’avais en tête d’éditer. Une des impulsions créatrices d’Intersection, c’était de sortir l’oeuvre de Sayles réalisateur. Tout ce qu’il avait écrit pour Roger Corman était déjà édité – Hurlements, Piranha, etc. 

Ce ne sont pas des films auxquels on l’associe spontanément…

Les cinéphiles deviendraient complètement fous s’ils connaissaient les films sur lesquels il est intervenu comme script doctor ! C’était une de ses principales activités, à l’instar d’un Robert Towne. L’une de ses principales interventions concerne Apollo 13, sur lequel il n’est pas crédité. Il a réécrit plus de 60 % du film. A la base, le scénario décrivait les astronautes comme des McGyver qui faisaient tout par eux-mêmes. Chacun s’en sortait individuellement. Or l’un des grandes qualités du film, qui n’est pas dénué de défauts, est de montrer que l’exploit qu’a constitué le retour de ces astronautes est le résultat d’une action collective. Et cela, on le doit à John Sayles ! Il a également travaillé sur la première version d’E.T.Spielberg n’en a gardé que l’idée de base, qui a été réécrite par Melissa Mathison. Il est également intervenu sur l’un des Jurassic Park. J’espère bien le faire parler devant une caméra de ce sujet du script doctoring, dans la limite de ce qu’il sera autorisé à dire. 

C’est à partir de ces activités qu’il a pu réaliser ses films en toute indépendance ?

Oui, c’est à partir de son activité de script doctor qu’il a bâti sa propre filmographie en tant que réalisateur, d’une nature et d’une ampleur complètement différentes. Ses films sont férocement indépendants. John Sayles est un des parangons du cinéma indépendant. C’est ce qui me tient à cœur de faire découvrir. Sayles s’inscrit pleinement, et peut-être de la manière la plus pure, dans la mouvance du cinéma indépendant américain qui naît au début des années 1990, aux côtés de Spike Lee ou Steven Soderbergh. Non seulement par ses sujets, mais par son fonctionnement : il coproduit avec sa femme les films qu’il réalise. Le fait d’investir ses propres billes dans ses projets est très louable. Le seul film qu’il n’ait pas coproduit est Baby it’s you, un pick-up de la Paramount – le seul sur 18 films, un beau palmarès ! C’est le premier à réinvestir l’argent qu’il gagnait en tant que scénariste sur ses propres films, sur une durée aussi longue – quasiment 40 ans. Nous l’éditons en septembre prochain.

Il ne s’est jamais laissé tenter par un vrai film de studio ?

Il aurait pu le faire à plusieurs reprises, mais cela impliquait perte du final cut, droit de regard sur ses scénarios, ou sur le casting. Il préfère des films de petite envergure mais qu’il maîtrise complètement. 

Pourquoi avoir commencé par éditer Baby it’s you et Matewan ? La volonté de les rendre plus visibles ou bien disponibles ?

C’est l’un des coeurs d’Intersections : outre l’intérêt personnel et la disponibilité des films en termes de droits, c’est la qualité des masters. On ne travaille que sur des masters restaurés. Pour 2026, on a des projets pour lesquels Intersections lancera ses restaurations. C’est notre but à terme : ne pas être dépendant de ce que font les autres. Si Baby a pris du temps, c’est qu’il est désormais restauré en 4K par la Paramount. On le sortira donc en 4K.

John Sayles est-il bien édité aux Etats-Unis ?

Il bénéficie d’une vraie reconnaissance, en partie grâce à Criterion, qui a édité Matewan, Lone Star, et qui devrait sortir d’autres titres. D’autres projets de restauration sont à l’étude. Je devrais en sortir un autre en 2026. Comme d’autres restaurations devraient intervenir, on devrait accélérer la cadence ! 

Fin de l'entretien jeudi !

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Travis Brickle


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