lundi 8 septembre 2025

Lettres siciliennes : liaisons dangereuses avec la mafia

Lettres siciliennes DVD CINEBLOGYWOOD

On la dit moribonde, éclipsée par ses soeurs napolitaine et calabraise. Et pourtant, la mafia continue de tirer les ficelles en Sicile. Illustration avec Lettres siciliennes (Iddu), qui réunit Toni Servillo et Elio Germano. Inspiré de faits réels, le film de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza qui oscille entre drame et comédie est désormais disponible en vidéo chez Blaq Out.


Catello Palumbo sort de prison mais son sourire s'éteint rapidement. Le jeune homme gauche qui vient le chercher le fait monter dans une voiture minable. Arrivé dans son immeuble, il découvre que sa femme, sa fille et son gendre, le jeune homme gauche en question, s'entassent dans un minuscule appartement. L'ancien élu, tombé pour collusion avec la mafia, a tout perdu. C'est alors que les services secrets italiens lui proposent un deal : ils l'aideront à se refaire une situation s'il les aide à capturer Matteo, son filleul qui est un parrain... mafieux en cavale. A travers la soeur du capo, s'engage une correspondance avec le fugitif. Un jeu dangereux.

Pour cette histoire a priori improbable, le duo de réalisateurs s'est inspiré de Matteo Messina Denaro, boss de Cosa Nostra qui vivait caché et transmettait ses ordres à travers des petits messages écrits sur papier, les pizzini, et acheminés à leurs destinataires via un réseau complexe de complices. Il n'était pas le seul à communiquer de la sorte : Bernardo Provenzano, qui vivait reclus dans une bergerie proche de Corleone, utilisait le même système de correspondance - à lire : Vous ne savez rien (Fayard, 2009), dans lequel le grand Andrea Camilleri dissèque les pizzini de l'ancien adjoint de Toto Riina.

La plume et le flingue

Présenté à la Mostra de Venise et à Reims Polar, Lettres siciliennes engage un dialogue entre deux exclus, qui vivent chichement. Toni Servillo incarne avec la maestria qu'on lui connaît un personnage sorti tout droit de la Commedia dell'arte. On pense également à certains rôles interprétés par Vittorio Gassman. Dans un registre moins fanfaron, Servillo campe un type prêt à toutes les compromissions, manipulateur et lâche, imbu de lui-même et finalement pris à son propre jeu. Face à lui, Elio Germano joue avec une gravité qui n'empêche pas l'humour un roi exilé de son propre domaine, prisonnier volontaire dans un petit logement. L'ancien élu envoie des messages aux formules obséquieuses qui flattent son filleul. Mais même en cage, un fauve reste un fauve. 

Aux formidables compositions de Servillo et Germano, s'ajoutent celles de seconds rôles, tous excellents : Daniela Marra, Barbora Bobulova, Giuseppe Tantillo, Fausto Russo Alesi, Antonia Truppo. Les comédiens ont à leur disposition un formidable dialogue, qui rend bien compte de la sophistication de la langue sicilienne et de ses tournures de phrases élégantes et si particulières, dans lesquelles jaillissent parfois des expressions dialectales brut de décoffrage ! Il faut absolument regarder le film en VOST. 

Dans son édition vidéo, Blaq Out accompagne le film d'un entretien instructif avec les cinéastes. Ils réussissent à trouver le juste équilibre entre le drame et la comédie, le thriller et le film d'auteur, parvenant à rendre touchante l'existence solitaire des personnages. Original et réussi.

Anderton


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