Retour aux années 1930, 1940 et 1950. Trois albums de bande dessinée revisitent cette période trouble de l'Histoire américaine, celle qui encadre la deuxième guerre mondiale, entre psychose de l'infiltration nazie, chasse aux sorcières et crimes crasseux. Trois albums, trois ambiances : serial (Rocketeer La Cargaison maudite), noir (Blacksad Stories Weekly) et cyberpunk (1949).
Juan Diaz Canales et Giovanni Rigano : Blacksad Stories Weekly (Dargaud)
La géniale série Blacksad, créée par Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido, accouche d'un spin-off. Blacksad Stories s'intéresse à l'origin story de l'acolyte du détective John Blacksad, un photographe fouineur et malin nommé Weekly. Diaz Canales signe le scénario tandis que l'Italien Giovanni Rigano reprend le pinceau du dessinateur espagnol. Son trait souple et expressif, son sens du détail, sa maîtrise des couleurs inscrivent l'album dans le riche univers graphique développé par Guarnido.
Et l'histoire ? Moins dramatique que celle de la série originale, elle colle au protagoniste. L'humour est au rendez-vous avec toujours cette volonté de revisiter les années 1950, dans une ambiance de film noir, avec pour personnages des animaux aux traits anthropomorphiques. Avant de devenir Weekly, Dustin est un ado qui traficote ici et là, au grand dam de sa grand-mère qui l'élève. Il se cherche, vivotant de petits boulots qui le projettent au coeur d'une croisade contre les comics, accusés de pervertir la jeunesse. Evidemment, il y aura des macchabées. Un album très réussi, qui plaira aux fans de la série mais qui peut aussi se lire sans rien connaître à Blacksad. Comme le pluriel du titre semble l'indiquer, il devrait y avoir d'autres tomes à venir. Et on s'en lèche les babines d'avance.
Dave Stevens, Mark Waid et Chris Samnee : Rocketeer La Cargaison maudite (Delcourt)
Delcourt réédite cette bonne aventure de "l'homme-fusée", publiée à l'origine en 2013. Le duo Waid-Samnee étend brillamment l'univers créé par Dave Stevens, décédé prématurément en 2008. Rocketeer, c'est un redresseur de tort équipé d'une fusée dorsale. Sous le casque doré, se cache Cliff Secord, un pilote d'avion aussi courageux dans les airs que maladroit sur terre. Un bon gars qui affronte les nazis infiltrés aux Etats-Unis... et parfois sa fiancée Betty, aussi sexy que jalouse et caractérielle.
Un cargo accoste à Los Angeles avec à son bord de mystérieuses créatures capturées sur l'île d'où jadis une expédition ramena un gorille géant qui sema la terreur à New York. Hommage assumé à King Kong et aux serials, ces B movies d'aventure des années 1930 et 1940, La Cargaison maudite nous réserve son lot de suspense, d'humour comme de terreur, de séquences spectaculaires, avec un zest de romance. Les méchants sont implacables, les femmes sont sexy, on tourne les pages avec un sourire d'une oreille à l'autre.
Dustin Weaver : 1949 (Delcourt)
A partir de 1946, un serial killer assassine sauvagement des femmes. Un nouveau meurtre est commis en 1949. L'inspectrice Blank se rend sur la scène du crime. Elle est dotée d'un don très particulier : elle parvient à anticiper les agissements des criminels. La nuit, elle fait d'étranges rêves qui la propulsent dans un futur où elle évolue comme une androïde.
Alternant pages en couleurs et en noir et blanc, cet album frappe par son graphisme et sa mise en page. Par la précision de son trait, son jeu sur les ombres, son style, Dustin Weaver fait la synthèse entre Moebius, Frank Miller et Kevin O'Neill. Chaque case, chaque planche est un bijou de composition (découvrez les premières planches). On y relève des références aux films noirs comme à Seven ou Blade Runner. Le récit est sophistiqué et l'imbrication des deux époques, parfois compliquée à suivre. Il a au moins le mérite de nous surprendre et de nous faire réfléchir, quitte à ce qu'on en sorte un peu désarçonné. L'édition est complétée par un carnet de croquis qui permet d'admirer le travail de l'auteur.
Anderton

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