En DVD et Blu-ray : En 1959, au Kansas, une famille de fermiers est retrouvée massacrée. L'émotion est intense, l'enquête qui s'étend sur plusieurs années permet l'arrestation des deux meurtriers. Le journaliste et romancier Truman Capote couvre les événements et en tire un "roman de non-fiction" qui devient un best-seller. De sang-froid (In Cold Blood, 1966) est adapté dans la foulée au cinéma par un Richard Brooks inspiré. Wild Side nous propose le film dans un coffret Blu-ray-DVD accompagné d'un passionnant livret.
Dès les premières images, le noir et blanc clinique choisi par le cinéaste nous plonge dans une atmosphère glaçante. Le malaise qui accompagne le spectateur croît à mesure que le récit progresse. Dans la première partie du film, Brooks nous présente simultanément une famille modèle de l'American Way et deux losers passés par la case prison qui imaginent un hold-up facile, avec 10 000 dollars à la clé. La tension monte ; que l'on connaisse l'histoire ou pas, on pressent le pire. Mais le cinéaste choisit l'ellipse. Des meurtres du couple de fermiers et de leurs enfants, on ne voit rien. On découvre les détails sordides avec les enquêteurs. En parallèle, on suit l'incroyable virée des tueurs jusqu'à leur arrestation et leur procès. C'est alors que Brooks choisit de revenir sur la nuit du crime. Une idée forte (qui diffère du roman) car le spectateur sait ce qu'il va découvrir. L'horreur n'en est que plus grande et, en effet, sans en montrer trop, la mise en scène rend insoutenable ce cambriolage qui tourne mal. La troisième partie du film s'intéresse aux "derniers jours" des condamnés. Ou plutôt des années qu'ils passent dans le couloir de la mort jusqu'à leur pendaison. Là encore, la vision est éprouvante.
Parti pris esthétique
Jamais Richard Brooks ne tombe dans le pathos, pas plus qu'il ne cherche à appuyer un quelconque message. Et pourtant, il parvient à nous écoeurer autant du crime que de son châtiment. L'un comme l'autre sont exécutés de sang-froid. Si Capote a signé un "roman de non-fiction" (il lui sera d'ailleurs reproché d'avoir pris quelques distances avec la réalité), Brooks livre un film qui associe une approche quasi-documentaire à un parti pris esthétique fort qui se traduit notamment dans la mise en scène et le montage. Avec des enchaînements visuels et sonores remarquables et pour autant, qui ne tombent jamais dans l'indécence. La caméra balaie les étendues du Kansas battues par les vents ou s'attarde dans des habitations dans lesquels les personnages semblent enfermés. La musique de Quincy Jones et la photo de Conrad L. Hall (trois fois "oscarisé" pour Butch Cassidy et le Kid en 1969, American Beauty en 1999 et Les Sentiers de la perdition en 2002) contribuent de la même façon à abolir la frontière entre le réel et la fiction.
Remarquables également, les comédiens. Robert Blake et Scott Wilson interprètent un binôme de voyous paumés et pathétiques, qui vont être dépassés par leurs propres actions. La grande gueule et le complexé. On croit deviner comment ils vont se comporter et les faits nous donneront tort. Autre duo improbable : le flic en charge de l'enquête (John Forsythe) et le journaliste qui couvre l'affaire (Paul Stewart). Leurs échanges permettent de prendre du recul sur un fait-divers qui ne fait décidément pas sens. Plus de cinquante ans après le crime, notre raison refuse d'accepter ce qui s'est passé.
Wild Side propose le film dans une magnifique version. Le coffret est complété d'un livret illustré de nombreuses photos et dans lequel Philippe Garnier nous révèle les dessous d'une adaptation qui a donné lieu à bien des batailles, avant et pendant sa production. Une édition immanquable tant De sang-froid a inspiré nombre de films d'enquêtes criminelles.
Anderton
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