CANNES 2024

dimanche 12 mai 2024

Monkey Man : vengeance au rage-asthan

Monkey Man CINEBLOGYWOOD

La vengeance est un plat qui se mange épicé. Dev Patel en apporte une éclatante démonstration, devant et derrière la caméra avec Monkey Man. Viscéral et politique à la fois.


Le visage caché sous un masque de singe, il enchaîne les combats à mains nues sur un ring. S'il saigne, il gagne plus. Chaque roupie empochée est soigneusement économisée. Au coeur d'une mégalopole indienne, le jeune homme travaille dur, accepte tous les jobs pour augmenter son capital. Grâce à sa ruse et sa détermination, il se fait engager dans un club ultra chic de la ville. C'est qu'il a un plan et que rien ne saurait l'en dérouter.

Dev Patel a ce quelque chose qui rend magnétique sa présence à l'écran. Il dégage une bonté et une douceur qui rendent ses personnages attachants - en général. Dans Monkey Man, il ajoute une dureté et une brutalité à son incarnation, sans pour autant perdre sa bienveillance. Son personnage n'en est que plus intéressant et ses accès de violence d'autant plus choquants.

Oui, Monkey Man s'inscrit dans la veine de John Wick. La même histoire de deux hommes meurtris et décidés à se venger à tout prix, de la manière la plus sauvage et la plus impitoyable. Pas par plaisir sadique mais parce que cette vengeance exprime une rage contenue avec peine et que rien ne pourra l'arrêter. Faire mal sans se soucier d'avoir mal. A la différence de Wick, le Monkey Man n'est pas un tueur professionnel ; au contraire, il s'est mis au combat, a appris à dompter sa douleur pour pouvoir assouvir sa vengeance. Chez lui, le déchaînement de violence n'a rien à voir avec les gestes précis de Baba Yaga : le jeune homme laisse s'exprimer son côté bestial à coups de poings, de pieds, de dents.

Fight the powers

Les combats sont très spectaculaires et lorgnent d'ailleurs plus du côté de The Raid. Pour sa première réalisation, avec Jordan Peele à la production, Dev Patel les met en scène avec une même fougue, plongeant le spectateur au coeur des affrontements, ne lui épargnant aucun craquement d'os, aucune giclée de sang, au point qu'on se surprend à serrer les dents voire à détourner le regard devant une telle explosion de violence.

Bien sûr que le film est dur, sombre même. Au-delà de la quête mortifère du protagoniste, nous découvrons le quotidien du peuple indien qui trime et tente de survivre au mieux, méprisé, exploité, broyé par des élites sans égards. Patel filme la misère mais aussi la dignité de ceux qui vivent en bas d'une échelle à laquelle les pouvoirs et autorités leur interdisent de monter. Il dénonce la corruption, la violence et les persécutions à l'égard des pauvres et des minorités - musulmans et hijras, communautés transgenre du pays. Comme un cri de rage à l'égard de la politique du premier ministre Narendra Modi et de ses soutiens, politiciens, policiers, gourous : "Vous nous considérez comme des animaux, nous allons nous conduire comme tels".

Inde intime

Pour autant, Patel évite de tomber dans le misérabilisme ou le militantisme. Ce qui m'a plu, c'est que dans ce décor terrifiant, il laisse la place à l'humour et à l'espoir. Les miséreux, les exclus ne sont pas que des ombres qui passent : nous les voyons vivre, faire la fête, baiser - franchement, c'est assez rare de découvrir l'Inde d'une manière aussi intime. Au passage, tout le cast est top. Et on est content de retrouver Sharlto Copley. La photo de Sharone Meir ajoute au cachet du film et lui permet de se dégager du sordide pour donner à voir la beauté et la poésie du monde. 

Monkey Man raconte la revanche d'un homme et d'un peuple contre un système inique. C'est fort, brutal et exaltant à la fois. Un premier film qui fait mouche.

Anderton

 

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