samedi 15 octobre 2016

Festival Lumière 2016 : Deneuve libre et audacieuse (5/6)


Artistes : Au lendemain du Prix Lumière 2016 attribué à Catherine Deneuve par le Festival Lumière, Cineblogywood revient sur les films moins connus de l'actrice française. Trop souvent classée comme égérie du cinéma "qualité française", Catherine Deneuve a su, au cours de sa carrière, affirmer sa liberté et faire preuve d'audace.




Avec Elle s’en va (2013), d’Emmanuelle Bercot, ce qui sidère, c’est sa totale liberté par rapport à son image – elle fume, elle boit, elle danse, elle s’écroule, elle vieillit, elle se relève, elle se maquille, elle s’habille comme tout un chacun, elle porte une perruque de drag-queen – sans aucune retenue, sans se ménager ni s’appesantir sur elle-même. On sent que le film a été fait pour elle. Et il faut dire qu’Emmanuelle Bercot lui porte un magnifique regard. Sans ménagement, certes, mais avec beaucoup d’admiration. C’est patent à travers ses plans serrés où l’actrice apparaît de dos, le regard perdu. Ou bien à travers ses très discrètes allusions à son passé de comédienne – là, quelques notes de musique évoquent Michel Legrand ; ici, un pont nous rappelle le transbordeur charentais sur lequel s’ouvrent Les Demoiselles de Rochefort ; ou bien cette station-service ravive le souvenir du méconnu et génial Drôle d’endroit pour une rencontre (voir plus bas), tandis que le déjeuner final, rassemblant toutes les générations, d’inspiration – allez, osons-le ! – renoirienne nous évoque le dîner central du Lieu du crime de Téchiné. Bref, rarement vu une actrice de la trempe de Catherine Deneuve se laisser aller à une telle liberté, dans une telle joie. Rarement on l’aura vue autant rire, mordre la vie. A l’instar de la scène qui la voit face à un paysan lui rouler une cigarette, avec difficulté, interminablement. Et elle d’entamer une discussion sur la gelée, les hirondelles, le temps qui passe, comme dans un documentaire.


Un miracle similaire se reproduit un an plus tard avec Dans la cour (2014), de Pierre Salvadori, dans un registre certes plus sombre et mélancolique, mais qui prête tout autant à tirer le chapeau.


Agent trouble (1986), de Jean-Pierre Mocky. Lunettes cerclées, perruque rousse frisée, Catherine Deneuve s’amuse de son image, dans cette intrigue policière qui se déroule dans les Alpes enneigées, plus sage qu’il n’y paraît pour un Mocky. Premier rôle de Kristin Scott-Thomas. Dernier rôle d’Helena Manson, grand second rôle du cinéma français chez Clouzot notamment.


Drôle d’endroit pour une rencontre (1988), de François Dupeyron. En renouant avec son partenaire du Dernier Métro, elle livre sa prestation la plus riche et la plus bouleversante, celle d’une grande bourgeoise larguée un soir d’hiver par son époux sur une aire d’autoroute, où elle rencontre un autre égaré, Gérard Depardieu, occupé à réparer son moteur. Malgré un tournage difficile, son rôle marque un tournant : plus d’émotion, plus de vulnérabilité, plus d’audace. Des accents de Gena Rowlands. Exceptionnelle. 


Travis Bickle

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