vendredi 29 juin 2018

Une Histoire simple : un Sautet à redécouvrir

En DVD et Blu-ray : Indémodables, les films de Claude Sautet. Parce que les personnages, les dialogues, les situations sonnent juste. Disponible en édition restaurée dans un combo DVD/Blu-ray édité par Pathé, Une Histoire simple ne déroge pas à la règle. Porté par l'interprétation de Romy Schneider, le film frappe même, 40 ans après sa sortie, par son propos complètement actuel.



L'histoire est à la fois simple et complexe : Marie, divorcée, attend un enfant de son amant. Elle ne veut garder ni l'un, ni l'autre. Marie est malheureuse, mais elle reste à l'écoute des difficultés que traverse un couple d'amis, dont le mari risque d'être licencié. Pour qu'il garde son poste, Marie se tourne vers son ex-mari.

Claude Sautet nous plonge dans le monde de Marie et nous fait rencontrer des hommes et des femmes tiraillés, déboussolés, déchirés mais qui, à une exception près, continuent de faire face et de profiter des joies simples de la vie. Des repas entre amis, des verres pris au bistro, des moments de tendresse et d'amour. On se sent au plus près des personnages, dans leur intimité, à partager leurs inquiétudes et leurs rires. Leurs incohérences, et leur détermination. Ils nous apparaissent comme profondément humains, au point qu'on les sent vivre, même lorsqu'ils ne sont pas à l'écran. Merveille du script, signé Claude Sautet et Jean-Loup Dabadie, ce dernier ciselant un dialogue qui n'est pas un enchaînement de répliques qui claquent. Aux bons mots, Dabadie préfère le ton juste.

Le monde de Marie

Une justesse que l'on retrouve dans le regard bienveillant que Sautet porte sur ses personnages. Bien sûr qu'ils ne sont pas parfaits mais Sautet ne les juge pas. Au contraire, il en capte la douce lumière, la chaleur. Le cinéaste saisit des émotions sur le vif - et souvent à vif. Sans voyeurisme. De la même manière qu'il nous fait entrer dans une époque qui, quatre décennies plus tard, apparaît comme à la fois familière et un peu étrange. Chaque décor semble habité tant il a été conçu avec soin, jusque dans les objets du quotidien. Evidemment, il y a les cafés, où Sautet aime poser sa caméra. Le brouhaha ambiant devient une musique de fond sur laquelle s'envolent les paroles des personnages. Noyés dans la cohue mais dissociés du bruit, comme dirait Aznavour.

Cette justesse, elle émane aussi des comédiens. Au premier rang desquels, Romy Schneider. Toute en retenue, elle irradie. Elle n'étale pas le malheur de son personnage, préférant l'exprimer par les expressions de son visage lumineux. Surtout, elle dégage une force qui fait que jamais Marie ne plie. Du grand art qui lui vaudra le César de la meilleure actrice en 1979. A ses côtés, deux hommes : Claude Brasseur, dans un rôle à contre-emploi de l'amant grande gueule et lâche mais pourtant jamais antipathique, et Bruno Crémer en ex-mari tendre mais aussi qui n'assume pas non plus. Et puis il y a tous ces seconds rôles marquants qu'interprètent Eva Darlan, Roger Pigaut, Madeleine Robinson. Seule Sophie Daumier en fait un peu trop. Et puis, quel plaisir de croiser Jacques Sereys et Xavier Gélin.

Film d'époque très contemporain 

Enfin, la justesse d'Une Histoire simple tient à son propos, engagé. Le film aborde l'avortement, le licenciement, la liberté des femmes. Toujours d'actualité. Sautet signe une oeuvre politique sans brandir d'étendard. Pour autant, il ne gardera pas un bon souvenir du film. "Il lui reprochait d'avoir trop été dans un discours d'époque", explique Dabadie dans Sautet par Sautet (*). Or, c'est ce qui en fait la force, encore aujourd'hui. 

Cette belle restauration est accompagnée d'un bonus éclairant avec les propos d'Eva Darlan et du critique Serge Bromberg. Ils évoquent la personnalité complexe de Romy Schneider, qui voulait que Sautet réalise un film de femmes mais qui est restée à l'écart des autres actrices pendant le tournage (des "exigences de star", pointe le cinéaste dans Sautet par Sautet), du caractère tranché du cinéaste, de sa méthode. Une Histoire simple mettait Claude Sautet "mal à l'aise" car il avait l'impression d'avoir trop appuyé son message et d'avoir voulu trop faire plaisir à son actrice principale. Cette édition vidéo nous fait au contraire redécouvrir un grand film intemporel, au final lumineux.


(*)  Sautet par Sautet de N.T. Binh et Dominique Rabourdin, Editions de La Martinière (2005).

Anderton

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