A lire : A deux jours du centenaire de la naissance de Lino Ventura, plongez dans une bonne BD consacrée à l'acteur : Lino Ventura et l'oeil de verre. Avec celle qui revient sur la vie de Sergio Leone, il s'agit des deux premiers albums de la collection 9 1/2 que les éditions Glénat consacrent au grandes figures du cinéma.
Comment rendre hommage à des monument du 7e art ? Deux albums, deux démarches. Dans Lino Ventura et l'oeil de verre, le scénariste Arnaud Le Gouëfflec et le dessinateur Stéphane Oiry ont choisi le chemin de traverse. A savoir : raconter des faits dans le cadre d'un récit romancé. Nous suivons Lino Ventura à la soixantaine bien tassée. Il est alors un des cadors du cinéma français. Silhouette massive, visage fermé, présence imposante à tous points de vue. Taiseux, discret, respectueux d'autrui, l'acteur se fait aborder par un Pierrot lunaire, journaliste maladroit et mal à l'aise. Il faut dire qu'il impressionne, le Lino et les confessions, très peu pour lui. Le dénommé Merlin a beau s'emmêler les pinceaux et enchaîner les bourdes, il a pour lui d'être tenace. Il cavale après l'acteur, se fait rembarrer ou planter sur place mais il ne lâche pas l'affaire. Et sous ses airs de gros dur qui cachent une immense pudeur, Lino commence peu à peu à se raconter. De son enfance chahutée en Italie puis en France, jusqu'à ses exploits de catcheur avant de bouffer la caméra - "l'oeil de verre", comme il l'appelle - et devenir l'immense star que l'on connaît.
Le Gouëfflec a compris la personnalité de Ventura, entre franchise, générosité et mauvaise foi : il le met en scène dans un récit qui rappelle par moments L'Emmerdeur (Edouard Molinaro, 1973), sauf que Pignon le suicidaire est remplacé par Merlin l'opiniâtre. Résultat : de belles séquences, parfois drôles, souvent émouvantes que Oiry dessine avec un regard très cinématographique. Sens du rythme, cadrages soignés, belle "photo", comme on dirait dans le cinéma. L'artiste privilégie une tonalité générale très douce, que vient "éclairer" une couleur vive. De cette ensemble élégant se dégage une nostalgie complètement rapport avec Ventura et "son" époque. Et pour évoquer les jeunes années de Lino, Oiry opte pour un traitement vintage qui rappelle la bande dessinée franco-belge des années 1950-1960. Belle réussite qui, sans lever complètement le mystère entretenu par Ventura lui-même, permet d'en saisir toute la complexité. Cela ferait un bon film.
Il était une fois Leone
Pour raconter la vie de Sergio Leone, Noël Simsolo et Philan ont choisi une approche plus classique mais pas moins passionnante. L'album déroule la vie du cinéaste, celle d'un enfant issu de la bourgeoisie anti-fasciste qui marche dans les pas de son père, également réalisateur. Scénariste, en charge des figurants, assistant réalisateur et enfin cinéaste qui réinvente les genres (péplum, western, film de gangster...) avec un sens inouï et original de la mise en scène. On le voit batailler pour imposer sa vision (aux studios, aux producteurs, aux acteurs...) et sortir des cadres ou des genres dans lesquels la profession veut le confiner.
Critique de cinéma, Noël Simsolo connaît parfaitement son sujet puisqu'il a signé un livre d'entretien avec Leone. La grande histoire est ainsi enrichie de petites anecdotes qui ravissent la curiosité du cinéphile. On découvre un auteur, un artiste total à l'oeuvre. Tout petit reproche toutefois : dans les dialogues, Simsolo place le patronyme entier des interlocuteurs de Leone ("Bonjour Ennio Morricone"...), ce qui est bien pratique lorsqu'un nouveau personnage est introduit mais qui ne fait pas très naturel. Plus qu'un noir et blanc, Philan illustre le récit au pinceau dans différentes nuances de gris. Là encore, le dessinateur fait montre de son art du découpage, n'hésitant pas à revisiter certains plans iconiques du Maestro.
Bravo aux éditions pour le lancement de cette collection au titre fellinien. Les deux premiers opus plairont autant aux cinéphiles qu'aux amateurs de bande dessinée. Bientôt dans nos rayons : des albums consacrés à Hitchcock, Truffaut, Mansfield et Dewaere.
Anderton
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