jeudi 11 juin 2020

Michel Piccoli à livre ouvert

A lire : Dans Piccoli derrière l'écran (Allary Editions)la journaliste Anne-Sophie Mercier a cherché à éclairer la personnalité complexe et attachante du comédien. Famille, amours, amis sont évoqués pour revenir sur une vie marquée par une approche exigeante du métier et des engagements forts.



Si Michel Piccoli a eu l'occasion d'évoquer sa jeunesse et ses parents dans des livres ou lors d'entretiens, il est toujours resté discret sur un ancêtre honni. Son grand-père maternel, le sénateur Charles Expert-Bezançon, est une figure imposante de la IIIe République. C'est aussi un industriel qui a fait fortune avec la céruse, le "blanc de plomb" utilisé dans la peinture et qui provoque le saturnisme chez ceux qui y sont exposés. Le profil même du grand bourgeois sans scrupules qui se situe à l'exact opposé des valeurs de gauche auxquelles adhère le comédien, lui qui a été un compagnon de route de la Ligue communiste révolutionnaire, lui qui s'est engagé derrière Mitterrand puis Jospin et Hollande. Avec force et convictions.

Auprès des siens

Pour autant, Michel Piccoli n'a pas vécu aux crochets du grand-père. Sa mère Marcelle s'est éloignée du giron paternel pour se mettre en ménage plus modestement avec Henri Piccoli, un musicien. Un couple sans histoire. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les parents ne débordent pas d'affection. Si le petit Michel la trouve chez son oncle et sa tante, il a tendance à se renfermer sur lui-même. Au moins Marcelle et Henri s'en inquiètent-ils et lui permettent-ils de s'épanouir en l'envoyant dans des pensionnats spécialisés où le gamin découvre la vie et s'initie à l'art. La complicité avec ses géniteurs, Piccoli l'établira, bien plus tard, une fois adulte.

Même relations complexes, voire compliquées, entre Michel et ses compagnes, entre Michel et sa fille. Malgré les envies ou les efforts, il arrive que le courant ne passe plus. Parfois, Piccoli en souffre (comme lorsque Juliette Gréco, son épouse, met fin à leur mariage), parfois il s'en accommode. Le comédien compense ses déboires familiaux par de solides amitiés, avec Serge Reggiani, Simone Signoret ou Jean-Pierre Melville, notamment. Ou avec un poète maudit, André de Richaud, qui devient son mentor et qu'il soutient à tous points de vue.

Si l'ouvrage n'aborde pas stricto sensu la carrière du comédien, Anne-Sophie Mercier montre à quel point Piccoli est passionné par son métier. Il se plonge entièrement dans ses rôles, au point que sa préparation joue sur son humeur à la maison. Le comédien se fiche de la gloire, sa carrière n'est pas guidée par l'argent (il y laissera même des plumes en tant que producteur). Piccoli est un homme libre dans ses choix, prenant plaisir à faire voler les conventions en éclats. Il veut "impressionner" le public, que ce soit au théâtre, à la télévision ou au cinéma. 

On est frappé par cette vie à la fois riche en rencontres et marquée par les incompréhensions, les non-dits. En nous dévoilant l'intimité de Michel Piccoli, l'auteure nous fait comprendre comment il a construit sa personnalité et forgé son caractère, entre réserve affective et exubérance artistique. Une belle approche.

Anderton

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