A lire : Pendant 44 ans, Richard Burton a tenu un journal intime. Sous le titre Richard Burton Journal intime, les éditions Séguier en publie une partie (près de 600 pages !) couvrant les années allant 1965 à 1971. L'occasion de découvrir un homme cultivé, drôle, colérique, dépressif et amoureux !
De Richard Burton, né Richard Jenkins en 1925 et mort en 1984, on se rappelle spontanément de son regard intense, de ses deux mariages avec Elizabeth Taylor et de leur histoire d'amour faite de passion, de coups de gueule et de coups tout court. Ensemble, les deux monstres sacrés ont tourné notamment dans Cléopâtre (1963), qui voit naître leur idylle alors que chacun est marié, Qui a peur de Virginia Woolf (1966) ou encore La Mégère apprivoisée (1967). Au début du Journal intime, le comédien narre justement le tournage de cette adaptation de la pièce de Shakespeare, à Cinecitta, sous la direction de Franco Zeffirelli. C'est peut dire que Burton n'apprécie pas le cinéaste, dont il critique le manque de courage.
"Bon vieux machin"
Jour après jour, il raconte le quotidien d'un duo de stars, loin du glamour : parties de yam's, soupe partagée à même la boîte de conserve, journées sur le plateau pour des essais costumes ou quelques scènes tournées entre beaucoup d'attente. Burton boit (souvent trop), bouquine, s'ennuie, mange. En sortant des studios, Liz et Richard aiment s'arrêter dans une trattoria pour y boire un coup ou manger un morceau. Monsieur et Madame tout le monde, s'il n'y avait les paparazzi et les interviews avec les journalistes. "Après le déjeuner, nous avons tenu une conférence de presse, écrit-il. Les habituelles réponses stupides aux inévitables questions stupides. Ce qu'ils peuvent être rasoirs !" Autre corps de métier peu apprécié du comédien : les toubibs. "Ces putain de médecins me rendent malade, enrage-t-il. Il faudrait que j'aie un accident vraiment insupportable pour faire appel à un de ces connards mal formés, alcooliques, condescendants et à moitié analphabètes. La seule douleur dont je voudrais qu'ils me soulagent est celle qu'ils me font en me cassant les couilles."
Il faut dire qu'Elizabeth Taylor souffre d'un problème gynécologique qui l'amènera à être hospitalisée pendant le tournage. Burton est mort d'inquiétude. Leur relation est passionnelle. "Curieuse histoire d'amour cet après-midi. Souffrance tolérable. Amour insoutenable. Douleur adorable." Burton évoque leurs moments complices, voire intimes, mais aussi leurs coups d'éclat. Il affuble sa dulcinée de plusieurs surnoms, l'appelant même "bon vieux machin". Elizabeth lui répond parfois dans son journal, déclamant son amour ou lui balançant une vacherie.
"Mélancolique et distant"
Au fil des pages, Burton apparaît comme un homme très cultivé, amateur de théâtre, de littérature et de poésie. Un homme capable aussi d'"explosion[s] de colère" et qui trimbale un profond mal-être. "Je me suis senti affreusement mal toute la journée, mélancolique et distant", précise-t-il avant d'écrire quelques jours plus tard : "J'ai beaucoup pensé à nos vie et les ombres de la mort montaient autour de moi comme une brume". Des bouffées d'angoisse qui le prennent parfois en pensant à des astronautes, à deux boxeurs prêts à s'affronter ou sa fille qui participe à une épreuve sportive.
L'homme se laisse également aller à des considérations sur l'état du monde. Evoquant la pollution à Rome, il avance, visionnaire : "Ces miasmes mortels gagnent lentement toute la planète. Est-ce qu'aucun gouvernement n'agira pour empêcher cette immense asphyxie mondiale ? Ah ça, tout sera bien différent dans cente ans. L'inhumanité de l'homme envers lui-même est stupéfiante".
C'est ce qui rend ce Journal intime passionnant. Le lecteur y découvre un comédien sans concession sur son métier en même temps qu'un homme cultivé, sensible et même fragile sous ses dehors de macho cynique. L'ouvrage, doté d'une introduction éclairante sur l'artiste et son journal, donne également envie de se replonger dans la filmographie de Burton. Une filmographie un peu oubliée aujourd'hui.
Anderton
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