En DVD et Blu-ray : "Si Soy Cuba avait pu être montré au public en 1964, le cinéma du monde entier aurait été différent." Dixit Martin Scorsese. C'est dire si le film de Mikhaïl Kalatozov a marqué l'histoire du 7e art. Et pourtant, avant de devenir culte, Soy Cuba a longtemps été un film maudit. Potemkine nous le propose en combo Blu-ray/DVD dans une magnifique version, complétée par une pelletée de bonus et un livret éclairants.
Soy Cuba reste pour beaucoup de cinéphiles un chef-d'oeuvre méconnu, dont on connaît surtout un plan séquence hallucinant.
Et pour cause, le long-métrage est longtemps resté enfermé dans les placards de la cinémathèque cubaine. Pourtant son aventure avait bien commencé : la fine fleur du 7e art soviétique avait débarqué à Cuba en 1963 pour y raconter la récente revolucion qui avait porté au pouvoir Fidel Castro. Les autorités cubaines avaient alors mis à la disposition de Kalatozov tous les moyens nécessaires pour qu'il puisse narrer la geste des Barbudos. Tournage épique, centaines de figurants et Jean Bouise dans le rôle d'un Yankee ! Mais à sa sortie, c'est la douche froide : les Cubains ne s'y reconnaissent pas tandis que les Soviétiques s'y intéressent peu. Ajoutez à cela l'embargo américain et vous avez un enterrement de première classe.
Pourquoi cet échec ? Dans l'excellent documentaire Le Mammouth sibérien de Vicente Ferraz, présent dans le coffret, on comprend que Kalatozov, Sergueï Ouroussevski (directeur de la photographie), Evgueni Evtouchenko (coscénariste) et leurs compatriotes ont abordé le scénario avec leur âme et leur point de vue slaves. D'où un récit exalté et une approche poétique qui s'expriment dans une succession de plans-séquences, à la mise en scène très élaborée, tournés au grand angle. Un excès de formalisme qui éclipse l'histoire (et l'Histoire), pour les commanditaires castristes. D'où la mise au placard jusqu'au début des années 1990, quand Soy Cuba est "redécouvert", projeté dans des festivals et promus par deux parrains enthousiastes : Martin Scorsese et Francis Ford Coppola.
Amour du cinéma
(Re)voir Soy Cuba, même sur son téléviseur, suscite un choc aussi bien visuel qu'émotionnel. Le spectateur est emporté par ce long poème en plusieurs tableaux, qui raconte la chute d'un régime inique et la rébellion de tout un peuple. Oeuvre de propagande ? Certainement mais l'exploitation des hommes comme des terres ne semble jamais caricatural. Les destins brisés ou malmenés qui nous sont présentés nous émeuvent encore, même si la réalité du castrisme est depuis longtemps bien documentée. Chaque image nous frappe par sa beauté éclatante. Certes, comme l'indique Mathieu Kassovitz dans le Vidéo club de Konbini, les plans-séquences du film pourraient tous être tournés aujourd'hui à la gopro. Reste qu'ils continuent de nous fasciner et de nous interpeller : "Mais comment ont-ils pu faire ça ?".
Dans un entretien génial, également disponible dans le coffret, Martin Scorsese décortique le film, d'un point de vue à la fois esthétique et technique. Surtout, il relève avec justesse que Soy Cuba transpire l'amour pour le cinéma et nous le fait partager. Pour la magnifique copie du film autant que pour le riche appareil critique qui l'accompagne, cette belle édition proposée par Potemkine s'avère tout simplement indispensable.
Anderton
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