A lire : Robert Iger a été le patron de Disney de 2005 à 2020. Pendant son mandat, le groupe s'est réinventé, intégrant des entreprises aussi prestigieuses que Pixar, Marvel, Lucasfilms et la Fox. Quinze années exceptionnelles sur lesquelles il revient dans un ouvrage passionnant, Leçons de leadership créatif, publié aux éditions Alisio.
Le titre de son livre, voire sa couverture, pourrait rebuter le lecteur qui serait en droit de s'attendre à un traité de management destiné à des cadres exécutifs et des étudiants en école de commerce. Et bien que nenni ! Bob a signé un livre hybride, à la fois mémoires (le titre original est d'ailleurs The Ride of a lifetime, joli jeu de mots qui renvoie autant à son aventure personnelle qu'aux attractions des parcs Disney) et compte-rendu précis de la vie d'une entreprise, qui plus est à un tournant de son histoire, le tout entrecoupé de quelques conseils sur la manière de mener sa barque quand on dirige une équipe.
Dès le prologue, on est cueilli. Iger raconte comment alors qu'il se trouve à Shanghai pour inaugurer un nouveau parc, après des années de travail intense, il apprend qu'un enfant s'est fait dévorer par un alligator au coeur du Disney World d'Orlando. Avec beaucoup de sincérité, le patron d'un des plus grands groupes au monde raconte sa détresse face à ce terrible drame. Le dirigeant redevient un père et un grand-père accablé de chagrin avant de devoir faire face à ses responsabilités, vis-à-vis de la famille de la victime mais aussi des autorités chinoises, de ses actionnaires, des collaborateurs de Disney et des milliers de touristes qui attendent avec impatience l'ouverture du parc de Shanghai.
C'est cette honnêteté qui séduit tout au long de la lecture de l'ouvrage. Honnêteté sur son parcours qu'il l'a amené d'ABC jusqu'au sommet de la Walt Disney Company : l'ex-PDG évoque aussi bien ses succès (le lancement de Twin Peaks sur ABC, les rachats de franchises, le lancement de Disney+...) et ses convictions que ses doutes, ses moments de stress, ses erreurs (Cop Rock, une série policière musicale créée par Steven Bochco et un retentissant bide sur ABC) ou ses coups de chance. Le boss semble avoir réussi à maintenir son intégrité dans le monde des affaires et l'univers du divertissement, qui peuvent l'un comme l'autre en manquer cruellement. Au fil des pages, Iger démontre qu'on peut avoir de l'ambition sans chercher à écraser les autres, qu'on peut réussir en gardant un esprit d'équipe et qu'on peut faire des critiques, y compris sur des personnalités admirées (comme son ancien patron Michael Eisner), sans régler ses comptes.
Steve, George et les autres
Evidemment, tout au long de sa carrière, Robert Iger a croisé la route d'entrepreneurs et de talents exceptionnels, de Steve Jobs à George Lucas, en passant par David Lynch, John Lasseter et Rupert Murdoch. A travers l'acquisition de sociétés prestigieuses, il détaille les difficultés et rebondissements des négociations dans lesquelles l'argent n'a jamais été le moteur unique. Certes, c'est intéressant de voir comment un patron et ses financiers valorisent l'entreprise qu'ils veulent acquérir, comment ils parviennent à estimer ce que leur rapporteront les Avengers (alors super-héros de papier) ou Buzz l'Eclair. Mais il ressort que la passion des interlocuteurs d'Iger, souvent fondateurs d'une grande marque ou créateurs d'un univers artistique révéré par des millions de fans, a été déterminante pour parvenir aux accords qui ont permis à Disney de s'accroître. Il y a d'ailleurs quelques passages très touchants sur le désarroi de George Lucas au moment d'abandonner son vaisseau spatial ou sur la fin de vie de Steve Jobs, avec lequel Iger est devenu ami.
Le livre se termine par une série de "leçons pour un leader", qui peuvent être inspirantes. Le sont tout autant les souvenirs que Robert Iger égrène et qui dévoilent les coulisses de "l'industrie du rêve et de la magie". Après Le Royaume enchanté de James B. Stewart sur les années Eisner/Katzenberg, le livre de Robert Iger est indispensable pour qui veut mieux comprendre comment la société d'Oncle Walt est devenu un géant du divertissement.
Anderton
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