jeudi 15 septembre 2022

Héros ou salopards : une rareté australienne sur une sale guerre oubliée

Héros ou salopards Blu-ray CINEBLOGYWOOD

En Blu-ray et DVD :  C'est une rareté que Rimini Editions a mis en valeur dans un combo Blu-Ray + DVD + Livret. Héros ou salopards (Breaker Morant, 1980) a lancé la carrière hollywoodienne du cinéaste australien Bruce Beresford. Une grande réussite, dans le sillage des Sentiers de la gloire (Path of Glory, 1957) de Stanley Kubrick, qui revient sur un événement méconnu d'un conflit passé aux oubliettes de l'Histoire.


A la charnière du XIXe et du XXe siècle, le Royaume-Uni est en guerre contre les Boers, colons européens d'origines principalement hollandaise et allemande qui ont créé des républiques au coeur de l'Afrique du Sud. Face à ces paysans (boers en néerlandais), qui pratiquent la guérilla, l'empire britannique envoie des troupes, dont certaines sont issues de ses autres colonies, à l'instar des Bushveldt Carbineers composés principalement d'Australiens. Au sein de ce régiment, trois officiers sont arrêtés et jugés en cour martiale pour crimes de guerre. Le haut-commandement veut faire de cette affaire un exemple afin de hâter les pourparlers de paix. Un avocat, également australien, est nommé pour défendre le trio, un jour seulement avant le début du procès.

Alors que le titre original fait le focus sur Breaker Morant, l'officier le plus gradé du trio, le titre français pose clairement l'ambiguïté du comportement de ces soldats. Lesquels reconnaissent sans peine avoir tuer six Boers et un pasteur allemand, justifiant leurs actes par la stricte application des ordres et consignes venant de l'état-major. Le harcèlement des commandos boers avait incité l'armée de Sa Majesté à laisser tomber le fair-play. La guerre contre les Boers était une guerre sale (si tant est qu'une guerre puisse être "propre") que le Royaume-Uni a menée salement.

Adapté d'une pièce de théâtre, le film illustre autant l'horreur de la guerre et le cynisme de la raison d'Etat que les ravages du colonialisme. Pour autant, Bruce Beresford ne cherche jamais à appuyer un quelconque message. Il réalise avec beaucoup d'efficacité un film qui mêlent plusieurs genres : le film de procès et le film de guerre. Les plaidoiries, passionnantes, sont entrecoupées de flashbacks qui reviennent sur les agissements des accusés. Le cinéaste ne cherche pas à les juger : leurs actes parlent pour eux-mêmes. Mais il parvient à démontrer - et démonter - la mécanique qui transforme des hommes en brutes sauvages ainsi que le système qui broie des individus après les avoir exploités.

Un petit film d'auteur au destin inattendu

Le film est prenant, aussi bien au tribunal que sur les champs de bataille, et servi par une magnifique photo qui sublime les paysages australiens (semblables au Transvaal) où le film a été tourné. En têtes d'affiche, trois excellents acteurs : le Britannique Edward Woodward (The Wickerman, Hot Fuzz, les séries Callan et Equalizer) incarne un Morant, pétri de poésie et rongé par la colère ; l'Australien Jack Thompson (Wake in Fright) campe un avocat d'abord déboussolé mais qui va s'avérer retors tandis que son compatriote Bryan Brown (F/X, Cocktail, Les Oiseaux se cachent pour mourir) joue un sous-officier obéissant et goguenard. Ils contribuent à faire jaillir les contradictions de leurs personnages, nous obligeant à étudier nos propres jugements moraux. Et ce final...

Rimini Editions propose en bonus deux entretiens passionnants avec Beresford et Brown, qui reviennent sur l'aventure de ce petit film d'auteur dont les bobines auraient pu finir dans les caves de l'organisme de promotion des films en Australie. Mais la chance a joué : Héros ou salopards a été sélectionné au Festival de Cannes puis découvert par un cadre de studio américain lors de sa projection dans un avion de ligne ! Il a ainsi les carrières hollywoodiennes des deux artistes, en même temps qu'il participait au coup de projecteur sur le cinéma australien et ses jeunes cinéastes inspirés : George Miller, Peter Weir, Fred Schepisi et Bruce Beresford, donc.

Anderton


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