vendredi 7 avril 2023

Esterno notte : la tragédie Aldo Moro par Bellocchio

Esterno notte DVD CINEBLOGYWOOD

En DVD : Marco Bellocchio sait raconter les tourments et les zones d'ombre de l'Histoire italienne, ainsi que les individus qu'elle a balayés et broyés. Avec la magnifique série Esterno notte, il porte son regard sur une blessure toujours vive : l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades rouges en 1978. Six épisodes denses, beaux, émouvants.


Dirigeant de la Démocratie chrétienne, plusieurs fois ministre, Aldo Moro appelle en 1978 à un "compromis historique" entre son parti, au pouvoir depuis 30 ans, et le parti communiste alors que la société italienne traverse une grave crise marquée par des tensions et des attentats. Les années de plomb. La proposition de Moro ne fait pas l'unanimité, ni à droite, ni au centre, ni à gauche. Il est enlevé en mars 1978 par les Brigades rouges, séquestré pendant 55 jours et finalement retrouvé mort en mai, dans le coffre d'une voiture.

C'est le portrait d'un bouc-émissaire, d'une victime expiatoire que brosse Marco Bellocchio. Dès le premier épisode, le spectateur en est convaincu. Cet homme nous frappe d'emblée par la bonté qu'il dégage, son absence de malice politicienne et sa solide foi catholique. Il est entièrement tourné vers son oeuvre, qui est de rétablir la paix civile dans un pays déchiré. Sa détermination va de pair avec le doute qui le ronge. Telle une figure christique, il porte les maux de son pays sur son dos frêle, dégageant une impression de souffrance permanente.

Les quatre épisodes suivants revisitent ces 55 jours funestes à travers le regard de protagonistes : le ministre de l'Intérieur et le Pape sont rongés par la culpabilité, s'agitent mais s'avèrent incapables de sauver leur ami ; une des terroristes et la femme de Moro bataillent davantage mais sans plus de résultats, dépassées qu'elles sont par la tournure des événements. La police, l'armée, les politiciens, la CIA ne veulent pas céder aux kidnappeurs. Le dernier épisode conclut une histoire dont on a compris le dénouement, même si dans l'épisode 1, une scène interpelle : Aldo Moro, libéré, se retrouve alité dans un hôpital. On en vient à se demander si Bellocchio va réécrire l'Histoire, ou verser dans une des nombreuses thèses complotistes. Il en arrive à nous faire douter, à jouer avec notre envie de croire à la libération du politicien italien.

Peu de mouvements de caméra mais le spectateur a l'impression que tout tourbillonne. Le cinéaste nous captive de bout en bout, donnant de la profondeur aux ténèbres, grâce à la magnifique photo de Francesco Di Giacomo. Les acteurs sont tous bouleversants, notamment Fabrizio Gifuni dans le rôle d'Aldo Moro et Toni Servillo dans celui du pape Paul VI. Citons également le formidable générique, avec le score prenant de Fabio Massimo Capogrosso. Arte Editions propose en prime un entretien avec Marco Bellocchio, qui évoque les milliers de contenus produits sur cet assassinat, des enquêtes fouillées jusqu'aux théories du complot. Une impressionnante et poignante tragédie en six actes. 

Anderton


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