mardi 31 mars 2015

Suite Française : une partition entêtante


En salles (le 1er avril) : Saul Dibb, réalisateur de La Duchesse avec Keira Knightley, réunit un casting de haut-vol dans Suite française, drame historique dont l’action se situe en France au début de la Seconde guerre mondiale, à l’été  1940.
 
Casting 5 étoiles

Michelle Williams, que l’on ne présente plus, interprète Lucile Angellier, sans nouvelles de son mari capturé au front et condamnée à l’attendre dans la demeure familiale, sous le joug de sa belle-mère (Kristin Scott Thomas) désespérément austère et castratrice. Un quotidien bientôt remis en question par l’arrivée de troupes allemandes dans le village, forçant les habitants même les plus pauvres (Sam Riley et Ruth Wilson, l’héroïne de la série The Affair) à loger l’ennemi bien malgré eux. Le tout sous l’impulsion du maire (Lambert Wilson), usant de son titre de Vicomte pour s’attirer les bonnes grâces de l’occupant. Une série d’événements qui vont bouleverser les vies et les certitudes de chacun.

L’arrivée du lieutenant Bruno Von Falk (Matthias Schoenaerts) chez les Angellier bouscule les convictions de Lucile. C’est sur les touches du piano dont ils partagent la clé en cachette que se jouent les premières notes de la passion qui va s’emparer d’eux, les attirant irrésistiblement l’un vers l’autre.
 
Devoir de mémoire

Adapté du roman éponyme d’Irène Némirowsky, romancière juive d’origine ukrainienne, best-seller couronné du prix Renaudot en 2004, Suite Française est le fruit d’un témoignage qui a bien failli ne pas voir le jour. C’est grâce au courage des filles de l’auteure, rescapées de la guerre, que les écrits de leur mère ont pu être sauvés. Un récit brut et honnête, du point de vue d’une femme et loin de tout manichéisme, sur la collaboration, les amours illicites, les dénonciations, en résumé cette réalité peu glorieuse et bien souvent occultée de la plupart des récits de l’époque. Le témoignage d’une femme qui se pensait alors en sécurité et pleinement intégrée, mais fut elle-même victime de ce qu’elle décrivit.
 
Un film porté par sa musique et quelques fausses notes

On ne soulignera jamais assez l’importance de la musique dans un film. Car cette simple et douce mélodie, composée par Bruno (Schoenaerts) et à laquelle Lucile (Williams) succombe, revient comme un refrain entêtant. On n’est donc pas étonné d’apprendre que celui qui l’a composée n’est autre qu’Alexandre Desplat, oscarisé cette année pour Moonrise Kingdom et nommé presque tous les ans pour ses compositions virtuoses.

Pour le reste, l’alchimie est évidente entre Michelle Williams, tout en fragilité et détermination, et Matthias Schoenaerts, dont le jeu souffle les nuances troublantes de son personnage. Le reste du cast n’est pas en reste. Kristin Scott Thomas en impose et Lambert Wilson est tout à propos dans son rôle d’aristocrate complaisant.

Soulignons au passage que le film survit à l’épreuve de la VF, ce qui en soit est un exploit (ô rage, ô désespoir, pour la projection à l'attention des blogueurs, le distributeur a en effet choisi de nous montrer le film en version française, avec les acteurs francophones assurant leur propre doublage…). Exploit qui n’inclut pas le personnage de Sam Riley dont le doublage tendance "fermier bourru" va comme qui dirait droit dans le mur en klaxonnant... L’acteur incarne Benoît Labarie, fermier et résistant (quelque peu trahi par sa belle gueule de "gravure de mode") tout comme son épouse Madeleine (Ruth Wilson). Le jeu des deux acteurs n’est pas remis en cause mais ce glamour qui éclabousse s’avère moyennement crédible…

Si le film souffre de quelques imperfections, il atteint néanmoins son but en mettant clairement en exergue les nuances et les profonds cas de conscience de ses personnages, en des temps où chacun pouvait payer de sa vie le moindre faux pas. Au rang des fresques historiques, de Saul Dibb à Stephen Frears en passant par Joe Wright et Tom Hopper, les Anglais sont loin d’être en reste.
 
Joanna Wallace
 

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