samedi 13 juillet 2024

Les Chèvres ! : rendre justice à la farce

Les Chèvres ! DVD CINEBLOGYWOOD


Du thriller au drame, en passant par la comédie, Fred Cavayé aime aborder tous les genres, parfois pour mieux les détourner, avec une même exigence et l'envie de les rendre accessibles au plus grand nombre. Du cinéma populaire comme aime. Son dernier film, Les Chèvres !, est désormais disponible en vidéo chez Pathé. L'occasion de découvrir une farce étonnante, détonante incomprise et drôle dans laquelle joue une belle brochette de comédiens, aux côtés de Dany Boon et Jérôme Commandeur.


Au milieu du XVIIe siècle, un noble est retrouvé mort sur les berges d'une rivière qui sépare ce bon pays de France du royaume de Savoie. L'assassin doit venir d'en face mais le cardinal Mazarin veut à tout prix éviter que cette affaire débouche sur une guerre. Cela tombe bien, la chèvre Josette a été retrouvée près du corps dont le céans pourrait bien avoir été transpercé par un coup de corne. C'est décidé : la biquette sera jugée puis exécutée, comme c'était courant pour les animaux accusés de crime depuis le Moyen-âge. Persuadée de l'innocence de son caprin, la bergère Camille court à Paris et supplie maître Pompignac de défendre sa protégée. L'avocat a tendance à perdre ses procès mais il voit une occasion en or de sauver une fillette. Car à la suite d'un quiproquos, il croit qu'il doit défendre une enfant. Accompagné de son neveu, il se rend sur place où il retrouve son ennemi des prétoires, l'arrogant Maître Valvert.

Le sujet du film est hénaurme mais fondé sur une réalité historique : pendant plusieurs siècles en France, des animaux ont été jugés, condamnés et exécutés, comme des êtres humains. Fred Cavayé a choisi un traitement qui relève de la farce. Les personnages sont outrageusement stupides ou pompeux ; ils ont les dents jaunes ou portent de ridicules perruques. Les acteurs donnent le ton, accentuant leurs réactions et leurs répliques. Danny Boon campe un avocat de prime abord pas très fûté ni très affuté, que prend plaisir à humilier son collègue et adversaire, joué par un Jérôme Commandeur drôlement méchant et qui excelle à balancer des piques comme s'il se parlait à lui-même. Chacun amène une sorte de modernité dans son jeu qui sort cette comédie historique d'un chemin traditionnel. Claire Chust, la bergère pas si innocente, se joue de sa beauté pour aller à fond dans les mimiques et intonations outrancières. Alexandre Desrousseaux suit la même ligne, dans le rôle du neveu sensible, poète à ses heures et amoureux secret. Le reste de la distribution (Grégory Gadebois, Marie-Anne Chazel, Fatsah Bouyahmed, Bun Hay Mean, André Penvern) y va tout autant à fond - j'ai d'ailleurs beaucoup aimé Ludivine de Chastenet, dont l'interprétation d'une aubergiste xénophobe n'est pas piquée des vers. Et autour de cette petite troupe, des trognes qui semblent sorties d'un tableau de Jérôme Bosch.

La morale de l'histoire

On le sait, Cavayé est un metteur en scène qui sait mettre en mouvement sa caméra. Pas question de la planter sur un trépied sous prétexte qu'il s'agit d'une comédie. Ses plans sont travaillés et apportent du dynamisme à l'histoire, tout comme beaucoup de soin a été apporté aux costumes et aux décors. Magnifiques décors naturels d'ailleurs, mis en valeur par la photo de Denis Rouden. Et la musique de Christophe Julien flirte même parfois avec certaines envolées morriconiennes.

Il y a de l'ambition dans ce film. Dans les moyens mis à disposition du cinéaste mais aussi dans sa volonté de bousculer les genres - film historique, comédie, film de procès. Le Breton se permet même de faire figurer le blason de Stade rennais dans la salle du tribunal et de balancer une saloperie sur Nantes par l'intermédiaire de Maître Valvert. Et puis, sans qu'on s'y attende, il dézingue le sexisme, ce "vieux schéma", et prend la défense du droit du sol, introduite dans le droit français en 1515. La farce révèle sa profondeur. Après tout, il y a toujours une morale à une fable. C'est certainement ce qui a décontenancé le public lors de la sortie en salle. Et c'est dommage car Les Chèvres ! mérite mieux que son résultat au box-office. Cette édition vidéo, qui comprend quelques bonus éclairants, permet de lui rendre justice.

Anderton


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