jeudi 26 janvier 2017

Comancheria : western post-crise


En DVD et Blu-ray : En mettant sur la paille des familles qui peinaient déjà à s'en sortir, la crise financière transforme des régions entières des Etats-Unis en nouveau Far West. Comme dans les Badlands du Texas, où deux frangins sont prêts à tout pour arracher leur ranch à l'avidité des banques. Une histoire au cœur de Comancheria (Hell or High Water), de David Mackenzie, avec Ben Foster, Chris Pine et Jeff Bridges. Trois raisons de ne pas passer à côté de sa sortie en vidéo, chez Wild Side, après sa présentation au Festival de Cannes 2016.



Un western moderne
 
Les cowboys sont fatigués. Endettés aussi. Les terres sauvages et arides de l'Ouest sont vidées des hordes de longues cornes, saisies par les banques, exploitées par les compagnies pétrolières. Les gardiens de troupeaux peuvent raccrocher leur Stetson. Les quelques dollars qu'ils ont encore en poche ne suffisent pas à rembourser les prêts. Une vie de sacrifice n'y changera rien. Mais les frères Howard ne se résignent pas à abandonner le ranch familial. Ils décident de cambrioler les petites agences de la banque dont ils sont débiteurs.
 
Auteur du script de Sicario, Taylor Sheridan raconte un monde qui meurt. Ou qui n'en finit pas de mourir, dans la grande tradition des westerns crépusculaires. Avec ces individus qui luttent pour ne pas se faire engloutir ou broyer par le "progrès". Le scénariste, qui est également acteur, apparaît d'ailleurs dans une scène éclairante : la voiture des frères braqueurs arrête sa course alors que la route est traversée par un troupeau de vaches emmenées par quelques cowboys (dont Sheridan) qui fuient un feu de prairie. En quelques mots, le garçon-vacher dit toute la détresse d'un métier devenu inutile, sans avenir. Chacun tente de survivre comme il peut, de (grap)piller quelques billets pour rembourser ses prêts... Il n'y a pas de salauds dans cette histoire. Ni chez les flics, ni chez les voleurs, ni dans les banques. Juste des gens qui tentent de s'en sortir. Si le récit est souvent poignant, il n'est jamais plombant. Arme ultime face au désespoir, l'humour jaillit parfois, aussi vite qu'un colt de son étui.
 

 
Une réalisation fordienne
 
De même que l'incipit laisse augurer de la qualité d'un ouvrage, le premier plan de Comancheria dit tout. Un beau plan-séquence circulaire qui montre la banque d'une petite ville moribonde dans laquelle font irruption deux hommes cagoulés. Pas d'esbroufe mais une mise en scène pleine de sens. David Mackenzie l'Anglais a su filmer l'Amérique comme l'un de ses enfants. Au plus près des personnages, mi-héros mi-losers, et des paysages. Immenses étendues d'herbe jaunie écrasées par des ciels bas et tourmentés. Les images, qui bénéficient d'une superbe photo,  révèlent l'abandon et laissent planer une menace sourde, propre au thriller. L'horizon des personnages semble se refermer tandis que celui des Badlands paraît infini.
 
Un casting impliqué
 
Fidèle à lui-même, Ben Foster livre une prestation intense dans le rôle du frangin fêlé (à tous points de vue). Il bouffe l'écran à chaque apparition. Jeff Bridges incarne un Texas Ranger proche de la retraite qui, au côté d'un collègue souffre-douleur (le très bon Gil Birmingham), traque les bandits avec calme et détermination. Il aborde son personnage avec un poil de facilité mais il reste crédible et fait le job. La révélation, c'est surtout Chris Pine. J'avoue avoir toujours trouvé l'acteur trop lisse, trop fade. Totalement investi dans ce projet, comme l'explique une des productrices dans le making of, il fait montre d'un talent qui ne demandait qu'à s'exprimer et de nuances de jeu peu montrées à ce jour.
 
Anderton
 
 

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