dimanche 31 juillet 2022

Le Jour du dauphin : 4 raisons de (re)découvrir un grand thriller

Le Jour du dauphin CINEBLOGYWOOD

En salles : Invisible au cinéma depuis sa sortie en avril 1974, Le Jour du dauphin (The Day of the Dolphin) retrouve le chemin des salles obscures dans une belle version restaurée. Le film de Mike Nichols, avec George C. Scott, n'a pas souffert du passage du temps, bien au contraire. Pour au moins quatre raisons.


Le professeur Jake Terrell et sa femme Maggie, assistés d'une équipe de jeunes scientifiques, tentent d'apprendre à des dauphins à communiquer avec les humains. Au sein de leur laboratoire, situé sur une île isolée, ils ont réussi à faire parler Alpha, un jeune mâle élevé en captivité. Le mammifère marin sait faire des phrases simples, comme "Fa [Alpha] aime Pa [Jake]". En accord avec le professeur Terrell, la fondation qui finance les recherches est décidée à garder le secret mais un journaliste veut faire un reportage sur l'île. A la même période, l'équipe de Terrell introduit une femelle baptisée Bea dans le bassin d'Alpha. Ce dernier refuse désormais de parler en anglais.

Je n'avais pas revu Le Jour du dauphin depuis les années 1980, lors d'un de ses passages à la télévision. Il avait alors fait forte impression sur le gamin que j'étais. Il y a dix-quinze ans j'avais lu Un animal doué de raison, le bon roman de Robert Merle (Week-end à Zuydcoote, Malevil) dont le film est l'adaptation. J'avais donc un peu peur d'être déçu en revoyant cette oeuvre dont je n'ai jamais oublié le plan final.

Et bien, le film a très bien vieilli. Il a conservé toute sa puissance pour au moins quatre raisons :

1) Un propos toujours d'actualité

Certains d'entre nous se souviennent avec émotion de la série Flipper le dauphin et du dessin animé Oum le dauphin blanc - sans oublier la pub pour le chocolat blanc Galak - qui faisaient les beaux après-midis de notre insouciante jeunesse. Tout ça pour dire que notre cousin marin était à la mode. On admirait son intelligence et sa gentillesse, on applaudissait à chacun de ses bonds. Je pense que le film a joué sur cette vague (pun intended) pour mieux illustrer à quel point l'homme excelle à pervertir toute tentative de communication avec les autres espèces qui habitent sur la planète. La démarche de Terrell est sincère mais à, près de cinquante ans d'écart, le spectateur s'offusque légitimement de la captivité de ces magnifiques mammifères, aussi bien traités soient-ils. Le chercheur manipule Alpha pour l'obliger à parler et c'est évidemment choquant. Les bassins semblent trop petits... et ils le sont, bien entendu. Pas sûr qu'à l'époque, tout cela suscitait la même émotion. En revanche, utiliser une démarche scientifique à des fins militaires, voilà qui révolte autant en 1974 qu'en 2022. Le rôle du big business et l'implication d'officines (para) gouvernementales parlent autant d'une époque à l'autre.

2) L'approche de Mike Nichols

Le réalisateur du Lauréat réalise un thriller qui s'inscrit dans le droit fil des films paranoïaques de l'époque, comme Les Trois jours du condor par exemple. Ici, pas de ruelles sombres mais un décor a priori paradisiaque. Cette île baignée par d'eaux turquoises est autant un refuge contre la civilisation et les magouilles qu'une prison à ciel ouvert au sein de laquelle les dauphins sont eux-mêmes prisonniers. Pas d'esbrouffe dans la mise en scène mais beaucoup d'efficacité qui rend le film prenant du début jusqu'à sa conclusion aussi poignante que désabusée. 

3) La puissance de George C. Scott

Une présence physique imposante, pour ne pas dire menaçante, un regard implacable, des propos aboyés d'une voix éraillée, George C. Scott est ce qu'on peut appeler un comédien de caractère, à l'instar de Kirk Douglas, Burt Lancaster ou Anthony Quinn. Belle idée de Mike Nichols de l'avoir choisi. On ne s'attend pas à un scientifique qui en ait autant sous la combinaison de plongée. Il ne s'en laisse jamais compter, tenant tête à Alpha comme aux financiers. Scott impose sa stature tout au long du film et pourtant, il sait quand adoucir sa voix ou son regard pour faire passer la relation étroite qu'il entretient avec le dauphin bilingue.

Belle interprétation. A ses côtés, Trish Van Devere, qui était également sa femme à la ville, et Paul Sorvino, dont la fausse bonhommie donne toute l'ambiguïté nécessaire à son personnage. Egalement au générique, des visages connus (plus que leurs noms, en tout cas pour moi) : Fritz Weaver (Marathon Man, Creepshow) et John Dehner (Ces Garçons qui venaient du Brésil, L'Etoffe des héros, Les Mystères de l'Ouest, Columbo).

4) La splendide composition de Georges Delerue

On aurait pu s'attendre à une B.O. à la Lalo Schiffrin, très marquée 70's, avec des pianos et violons inquiétants. Là encore, Nichols surprend en choisissant de faire appel à Georges Delerue qui signe un score lyrique et poignant. On est émus de voir Alpha et Bea nager ensemble dans leur bassin et tout le mérite en revient au compositeur français, qui sait toucher notre coeur avec délicatesse.

Quelques cinémas projettent Le Jour du dauphin. Ne manquez pas cette occasion de (re)découvrir ce thriller réussi. Egalement ressorti en salles Ce plaisir qu'on dit charnel (Carnal Knowledge, 1971), du même Mike Nichols, avec Jack Nicholson.

Anderton

 

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