En salles : Esotérique, génial, philosophique, malade, stupéfiant : tous les adjectifs ne manqueront pas de fleurir pour louer ou abattre ce Tree of Life tant attendu – par moi le premier.
Tout d’abord, chapeau bas, Mister Malick ! Si ce film – cette messe ? ce poème ? – ne doit susciter qu’un sentiment partagé, c’est celui-ci : le respect. Respect devant l’ambition d’un cinéaste – rendre compte de l’universalité de nos destinées à travers le destin particulier d’une famille américaine des fifties. Respect devant la beauté incroyable du film : musique, images, montage, décors, effets spéciaux spatiaux, tout concourt à l’émerveillement des yeux, des ouies et des sens. Respect enfin devant la singularité d’une œuvre comme seuls jadis Kubrick, Tarkovski ou Coppola dans ses meilleurs jours en étaient capables.
La réponse à 2001 de Kubrick
Kubrick, justement, auquel on ne cesse de penser. Comme si ce Tree of Life constituait la réponse à 2001. Là où Kubrick proposait une odyssée fondée sur le Chronos, Malick nous offre une odyssée fondée sur le Cosmos. D’où la récurrence des dualités qui structurent l’ensemble du film : chaos versus création ; nature versus grâce ; forces dionysiaques versus tendances appoliniennes ; le père versus la mère. A laquelle s’ajoute la souveraineté d’une mise en scène fondée sur deux partis pris : les personnages filmés en contre-plongée ; la récurrence des travellings verticaux, qui permettent d’épouser dans un seul mouvement l’infiniment grand et l’infiniment petit, l’ordre du cosmos et la beauté du chaos, la transcendance et l’immanence. Le tout appréhendé par une caméra sensuelle, qui laisse la part belle à la nature, à la vie, aux sens et qui minimalise les discours. Je m’arrête là, promis ! Des réflexions qui témoignent de la richesse d’un film promis à une belle longévité et à des belles exégèses.
Mais, car il y a un mais, je dois avouer être resté quelque peu extérieur à ce formidable traité de beauté. Car Malick, reclus, misanthrope peut-être, rate un aspect essentiel à son odyssée : l’émotion. Kubrick aussi, me direz-vous. Oui, à ceci près que Malick focalise son propos sur l’éclatement progressif d’une famille, l’évanescence de l’enfance, la fugacité de l’existence et la nécessité de profiter du temps présent – de quoi susciter l’émotion et la nostalgie, non ? Et malheureusement, rien, pas la moindre trace de pathos, d’émotion ou de larmes. Et je préfère Malick les pieds englué dans la boue furieuse de La Ligne Rouge ou les bras moissonneux des Moissons du Ciel, c’est-à-dire là où il se montre plus prosaïque, moins éthéré, plus émouvant.
Palme or not Palme ? This is not the question ! Quel que soit son destin au Festival de Cannes 2011, quoi qu’on en pense, qu’on aime plus ou moins, The Tree of Life commence dès aujourd’hui son odyssée dans la cinéphilie. Et vous qu’en pensez-vous ?
Travis Bickle
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