lundi 27 juin 2011

Sidney Lumet n'est décidément pas mort


Artistes : Hasard ou coïncidence, la récente disparition de Sidney Lumet s'accompagne d'un fort regain d'intérêt à son égard. Il faut dire que la vigueur, la force et l'originalité de son dernier film 7H58 ce samedi-là l'avaient déjà remis sur la devant de la scène après quelques années d'injuste purgatoire.

Un cinéaste pas éclipsé


Tout d'abord, précipitez-vous sur le dernier numéro d'Eclipses. Cette formidable revue semestrielle consacre son dernier numéro à l'oeuvre du réalisateur de 12 hommes en colère. Pour mémoire, chaque numéro est intégralement consacré à un réalisateur, tâche titanesque lorsque le cinéaste n'a fait l'objet d'aucune monographie en France, comme c'est le cas pour Lumet – première bonne raison de vous procurer ce numéro.

Outre le fait qu'il s'agisse d'une première en France, la  quinzaine d'articles qui composent ce numéro permet de faire le tri dans l'abondante oeuvre du cinéaste. Et ô joie, met en lumière quelques oeuvres, pas les plus connues, mais que nous apprécions tout particulièrement ici, A bout de course et The Offence notamment. Elle permet aussi de montrer rétrospectivement l'importance de films moins connus, comme Le prêteur sur gages (1964). Photogrammes à l'appui, on y découvre en Rod Steiger, interprète principal du film, le modèle du Marlon Brando d'Apocalypse Now et du Parrain, et d'Al Pacino dans Le Parrain 3 – excusez du peu ! Carlotta, si tu nous lis ;-)

Ensuite, elle nous permet de découvrir en avant-première les premières pages en français de l'autobiographie du cinéaste, Making Movies, à paraître courant 2012. Ses propos tout entiers focusés sur l'acting, sa définition du style et son amour des acteurs – à parcourir sa filmographie, on ne voit pas quel acteur américain important a échappé à ses filets ! - laissent augurer un ouvrage capital qu'on a hâte de découvrir.

Godard et Resnais pour influence !

Enfin, par les pistes pour le moins originales qu'il dresse. Souvent considéré comme un cinéaste classique, cet excellent numéro essaie de tordre le cou à ce cliché (cf analyse de The Offence). Et  tente d'aborder d'hasardeux mais probants  rapprochements en montrant l'influence de Godard sur le final de Network , ou l'importance qu'a pu avoir le travail sur le temps d'Alain Resnais dans les flashbacks du Prêteur sur gages – Carlotta, tu m'entends ?!

Bien sûr, Le Prince de New-York, 7h58 ce samedi-là, Serpico, Un après-midi de chien, Network, et même Daniel sont abordés à leur juste mesure, c'est-à-dire la première ! Bref, un numéro – et une revue à découvrir d'urgence. Procurez-vous par la même occasion les numéros consacrés à Cimino, Coppola, ou même à des cinéastes déjà abondamment commentés en France tels Lynch, Scorsese ou Burton ! Et dont on pourra juste regretter qu'il n'accorde aucune place au film le plus secret de Lumet, A la recherche de Garbo.

A quand une réhabilitation de A la recherche de Garbo ?

A la recherche de Garbo, justement, qui ressort mi-octobre, que j'ai découvert dans une copie dramatique à la Cinémathèque quelques jours après le décès de Lumet. Comédie désenchantée en forme d'autobiographie, tournée au début des années 80 et qui prend acte du tournant idéologique américain en faveur de la dérégulation et de l'individualisme, elle dépeint au travers le personnage d'Anna Bancroft, sorte de Sidney Lumet au féminin, la nécessité de résister, de se battre au nom de valeurs humanistes malgré l'air du temps. Et l'importance de croire aux étoiles, au miracle, au cinéma, via le voeu que lui fait son fils de lui faire rencontrer son idole Greta Garbo sur son lit de mourante. Drôle, émouvant, revigorant, à redécouvrir d'urgence dès le 13 octobre prochain.

A bout de course : insidieux cheminement d'inscription dans la mémoire des cinéphiles

Enfin, dans le dernier numéro de Positif, un hommage très sensible de Yann Tobin au cinéaste qui raconte comment il a découvert pour la 1ère fois en salles lors de sa sortie ce qui est à mon sens le plus beau film de Lumet A bout de course. Ai d'autant été plus touché par cet hommage que j'ai découvert le film dans les mêmes conditions (séance d'après-midi, quelques dizaines de spectateurs au mieux !), à la même époque (en octobre 1987), dans la même salle (Elysée Lincoln) – qui sait, à la même séance ? Avec le même effet : lacrymal, et la sensation d'avoir vu un film qui allait insidieusement faire son trou dans la mémoire de ceux qui l'auraient vu. Et qui allait pouvoir vous aider un peu à vivre. Et rien que pour ça, merci, M. Lumet !

Travis Bickle

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