En DVD : Alors que l'affaire Grégory connaît de nouveaux rebondissements, TF1 Studio sort une superbe version remastérisée de L'Affaire Dominici (1973), un film sur un autre drame sordide jamais élucidé, avec un Jean Gabin au sommet. Et l'éditeur l'accompagne d'une ressortie en vidéo d'un autre film avec Jean Gabin dans un rôle étonnant, Le Cas du docteur Laurent (1957).
L'Affaire Dominici : contre-enquête du réel
Août 1952, dans les Alpes de Hautes-Provence. Un couple d'Anglais accompagné de sa fillette gare sa voiture sur le bord de la route pour y passer la nuit. Au petit matin, ils sont retrouvés morts, les parents abattus à coups de fusil, l'enfant tuée à coups de crosse dans le crâne. Les enquêteurs portent leurs soupçons sur la famille Dominici, qui habite à proximité du lieu du crime. Certains des fils sont arrêtés, puis le père, Gaston. La famille se déchire, les versions se mélangent, les mensonges fusent. Le patriarche est finalement condamné à mort. Sa peine sera commuée puis il sera gracié et enfin libéré, sans que sa culpabilité soit formellement établie, ni le triple meurtre résolu.
Dans un style proche du documentaire, Claude Bernard-Aubert met en lumière une enquête bâclée et un procès fumeux. Flics sous pression, journalistes aux aguets, juge dépassé. Le cinéaste ne cherche pas à résoudre le mystère de cette tragédie, tout juste évoque-t-il des pistes : pendant la deuxième guerre mondiale, dans ces montagnes reculées, résistants désunis (entre gaullistes et communistes) et collaborateurs se sont affrontés tandis que des "braconniers" ont profité de la situation. Certains parachutistes anglais, porteurs d'argent pour la résistance, ont disparu. Et l'Anglais assassiné, Sir Jack Drummond, peut-être membre de l'Intelligence Service, aurait pu être en mission commandée... Mais Claude Bernard-Aubert, qui intervient dans un bonus édifiant, ne veut pas expliquer ce qui (à ce jour) reste inexpliqué. En revanche, il pointe le dysfonctionnement du système judiciaire français, capable de condamner à mort un homme sans preuve.
Dans le rôle de Gaston Dominici, Jean Gabin fait du Gabin. Son jeu naturel, à la limite du non-jeu, épouse parfaitement la démarche naturaliste du film. Il interprète un paysan dominateur, roublard, faussement bonhomme, qui règne en maître sur sa famille. Deux de ses fils sont interprétés par Victor Lanoux (dépassé par les événements, il finira par accuser son père) et Gérard Depardieu (en idiot toujours souriant). On retrouve une brochette de seconds rôles comme le cinéma français a su en produire : Daniel Ivernel, Gérard Darrieu, Paul Crauchet, Jacques Rispal, Geneviève Fontanel, Jean-Pierre Castaldi, Marco Perrin... des noms qui ne parlent pas forcément mais dont les visages sont connus des cinéphiles. Un bon film, de ceux qui passaient régulièrement à la télévision, et que l'on redécouvre dans une version splendide.
Le Cas du docteur Laurent : femmes, je vous aide
Restons dans les Alpes, maritimes cette fois-ci. Le docteur Laurent débarque de Paris dans un village, où il reprend le cabinet d'un médecin à la retraite. Il tente de propager une méthode d'accouchement sans douleur mais se heurte à ses confrères et à certains habitants.
De facture classique dans sa forme, le film est engagé dans son propos. Jean-Paul Le Chanois s'attache à démontrer les avantages de l'accouchement sans douleur, dans une société où le bien-être des femmes est accessoire. Il fustige les mentalités archaïques de l'époque, y compris au sein du corps médical. Il va même jusqu'à filmer un accouchement de face !
J'évoquais la facture classique du film, ce qui n'empêche pas la mise en scène d'être inspirée. L'arrivée du docteur Laurent dans le village est formidable : en montant les marches qui mène à son cabinet, le médecin découvre des artisans au travail mais aussi des habitants cloîtrés ou méfiants. Splendides décors, magnifique noir et blanc qui fait briller la lumière au sein de ces grandes masses sombres. Comme l'évoquent avec justesse les journalistes Guillemette Odicino et Eric Libiot dans le bonus, le film semble se dérouler pendant l'Occupation alors que nous sommes à la fin des années cinquante.
Gabin est une fois de plus très juste. Son personnage est loin d'être monolithique et le jeu naturel que j'évoquais plus haut est enrichi de toute une gamme de nuances. Face à lui, Nicole Courcel apporte sa fraîcheur. En revanche, l'interprétation de Sylvia Monfort paraît d'autant plus ampoulée. Malgré son sujet grave, le film est truffé de moments plus légers, pagnolesques mêmes, avec un final réjouissant qui met les femmes au premier plan.
Anderton
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