vendredi 8 décembre 2023

Soudain seuls : dans l'intimité d'un couple à la dérive

Soudains seuls CINEBLOGYWOOD

Un tour du monde qui s'interrompt brutalement, deux robinsons, une tempête de l'intime... Avec Soudain seuls, actuellement au cinéma, Thomas Bidegain met à l'épreuve un couple, magnifiquement interprété par Mélanie Thierry et Gilles Lellouche. Emouvant et prenant.


A bord du voilier, des sourires et une tension sourde. Ben et Laura réalisent un tour du monde. Sur la route de la pointe sud de l'Amérique latine, à quelques encâblures de l'Antarctique, l'homme décide de faire un arrêt sur une île redevenue sauvage après avoir abrité des installations de pêcheurs. L'ancre est jetée au large de cette montagne posée sur l'océan. Le hors-bord amène le couple à terre. Il découvre un paysage à la beauté aride. Roche et vent. Et une colonie de manchots peu farouches. Le temps se gâte, il est temps de rentrer mais arrivés sur la plage, Ben et Laura constatent que leur voilier a disparu. La tempête approche, il faut trouver un abri et s'organiser en attendant l'arrivée des secours. Le frère de Ben va forcément s'inquiéter de ne plus recevoir de messages radio. Mais les jours passent. La débrouille laisse place à la survie tandis que les ressentiments éclatent.

On reproche parfois aux cinéastes français de filmer des couples qui se déchirent dans une cuisine. Thomas Bidegain fait plus que transposer une engueulade aux antipodes. En adaptant le roman d'Isabelle Autissier, il réussit à fusionner l'intimité d'un couple à la dérive (à tous points de vue) et la sauvagerie d'une nature âpre, battue par les éléments - la nature est d'ailleurs le troisième personnage à part entière du film. Soudain seuls est un survival à double niveau : il relate comment deux naufragés tentent de survivre sur une terre hostile et comment ils essaient de sauver leur union chancelante. Hors de la civilisation, hors du temps, fatigués et affamés, Ben et Laura tombent les masques. Les non-dits jaillissent avec la même brutalité que le vent glacé qui s'abat sur l'île. Cris et pleurs. Vérités qui blessent autant que le froid. Colère et désamour. 

Ecrit à quatre mains, celles de Bidegain et de Valentine Monteil, le scénario tient en haleine, les dialogues sonnent justes. Les échanges entre Ben et Laura auraient pu être insupportables, ils sont au contraire poignants car ils racontent ces petites lâchetés et ces grands renoncements qui rongent insidieusement une relation amoureuse. Bref, ils nous parlent forcément. Gilles Lellouche et Mélanie Thierry forment un couple auquel il est facile de s'identifier. Tour à tour, ils mettent en avant la force et les failles de leur personnage avec une véracité et une sensibilité qui font mouche.

Le 13 octobre dernier, lors d'une projection parisienne, Thomas Bidegain a présenté son film avec humour et un brin d'émotion : 

Le film s'affranchit d'un déroulé attendu jusque dans sa conclusion. Je n'en dirai pas plus. Les images de Nicolas Loir sont magnifiques. Comme toujours, elles en évoquent d'autres. Pour ma part, le paysage minéral m'a rappelé les décors naturels du feuilleton (comme on disait à l'époque) L'Ile mystérieuse et du film Le Phare du bout du monde, deux adaptations de l'oeuvre de Jules Verne. Soudain Seuls est habité du même souffle. D'ailleurs, Pierre André, au son, réalise un excellent travail et la musique de Raphael est très belle.

Soudain seuls nous confronte et nous ramène à l'essentiel. En cette période sombre et tempétueuse, Thomas Bidegain nous redonne l'espoir, en l'autre et en nous-mêmes.

Anderton

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