dimanche 25 février 2024

Meurtres dans la 100e Rue : un polar brutal à redécouvrir d'urgence

Meurtres dans la 100e Rue Blu-ray CINEBLOGYWOOD

Comme beaucoup, je connaissais la chanson Across the 110th Street de Bobby Womack sans jamais avoir vu le film de Barry Shear dont elle accompagne le générique*. Lacune comblée grâce à Rimini Editions qui sort dans un combo DVD - Blu-ray Meurtres dans la 110e Rue (1972). Un sacré film, complété par de nombreux bonus passionnants.


Des membres de la mafia se rendent dans un immeuble d'Harlem pour y effectuer une transaction avec des gangsters afro-américains. Chacun compte des grosses liasses de billets quand des faux policiers font irruption et massacrent l'assemblée. En prenant la fuite avec le butin, ils tuent également de vrais flics. Alors que la mafia italienne et le boss de Harlem traquent la bande, le NYPD mène l'enquête. Proche de la retraite, le capitaine Mattelli emploie des méthodes brutales, en opposition totale avec le lieutenant Pope, un Afro-américain décidé à respecter les règles.

Au-delà de la 110e rue, c'est donc Harlem. Un autre monde où règnent le crime et la pauvreté. Immeubles qui semblent avoir été bombardés, clubs borgnes où l'on vient s'encanailler sur de la musique soul. Putes et macs, SDF et familles qui essaient de vivre dignement. Harlem, pimps aux tenues exubérantes, musique omniprésente, gun fights et érotisme... le film de Barry Shear surfe sur la vague de la blaxploitation et s'engouffre dans le sillon réaliste creusé par French Connection (William Friedkin, 1971) mais finit par tracer sa propre route.

Barry Shear opte pour une approche quasi-documentaire, intégrant régulièrement les habitants du quartier dans certaines séquences. On a l'impression d'être plongé dans leur quotidien. Ces éclats de véracité parent une histoire sombre et violente dans laquelle Noirs et Blancs s'associent ou se combattent. Mais ici, c'est le pouvoir et l'argent qui priment sur la couleur de peau. 

Quinn, Kotto and co

Anthony Quinn, coproducteur du film avec le réalisateur, met sa stature menaçante et son caractère bien trempé au service d'un personnage prêt à tout pour obtenir des résultats. Mattelli apparaît comme une brute raciste mais on le voit aussi prendre soin des indics et "pensionnaires" du commissariat tout comme d'une veuve qui vit chichement. On lui excuserait presque ses agissement au prétexte qu'il poursuit  le crime sans relâche mais il va dévoiler une autre facette de sa personnalité... Formidable prestation d'un acteur qui ne cherche pas à plaire. Face à lui, le grand Yaphet Kotto. Une autre sacrée personnalité qui campe un jeune flic idéaliste, révolté par les méthodes de son adjoint. Tony Franciosa (Matt Helm !) incarne un mafieux qui compense sa médiocrité par un sadisme sans bornes. Dans le rôle du braqueur, Paul Benjamin livre une prestation émouvante : comme les autres personnages, Jim Harris révèle sa complexité. Il est bien plus qu'un incarnation monolithique. C'est une des grandes forces du film d'arriver à associer les genres sans jamais tomber dans la caricature. Et pour terminer sur le casting, Antonio Fargas (Huggy les bons tuyaux dans Starsky & Hutch) joue une petite frappe tandis que Burt Young (Paulie dans Rocky) fait une brève apparition.

En plus du DVD, Rimini Editions propose pour la première fois le film en Blu-ray dans un beau master HD. Et pour rendre honneur à ce film finalement mal connu, l'éditeur a prévu un DVD de bonus, une série d'entretiens avec, excusez du peu, Jean-Baptiste Thoret, Samuel Blumenfeld et Olivier Cachin. Les deux premiers reviennent en détail sur cette oeuvre originale en la remettant dans son contexte - celui de la grande époque de la blaxploitation et d'un New York en proie à une criminalité galopante - tandis que le troisième évoque Bobby Womack, qui a cosigné l'excellente B.O. avec J.J. Johnson. Leurs analyses sont éclairantes, tout bonnement passionnantes.

Un combo de formats et de talents donc qui comblent les cinéphiles. C'est aussi ça l'intérêt du support physique.

* La chanson de Bobby Womack ouvre également Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997).

Anderton


Aucun commentaire: