samedi 2 mars 2024

Bob Marley One Love : emballant, émouvant et frustrant

Bob Marley One Love CINEBLOGYWOOD

Plus d'un million de spectateurs sont allés voir Bob Marley One Love au cinéma en France. Un succès populaire mérité tant le biopic réalisé par Reinaldo Marcus Green (La Méthode Williams) procure de belles émotions. Même si ce feel-irie movie laisse le spectateur sur sa faim.


Jamaïque, 1976. La violence se répand dans le pays sous l'influence de l'opposition entre les deux principaux partis du pays : le PNP de Michael Manley, qui s'est rapproché de Fidel Castro et flirte avec le socialisme, et le JLP d'Edward Seaga, un libéral soupçonné d'être un agent de la CIA. Appuyés par des gunmen, les deux leaders se livrent une guerre sans merci dans les rues de Kingston, sur fond de guerre froide. Bob Marley, qui a participé au concert Smile Jamaica en faveur de la paix, est bientôt accusé de rouler pour le PNP au pouvoir. Il échappe miraculeusement à une tentative d'assassinat, qui laisse blessés sa femme Rita et son manager Don Taylor. Le chanteur et musicien décide alors de s'exiler à Londres, où il enregistre l'album Exodus. Un LP conscious qui traduit la maturité et l'engagement de Marley, décidé à propager le message de paix de rastafari. Les deux partis jamaïcains le supplient de revenir dans l'île pour apaiser les tensions. L'artiste, qui a découvert qu'il est atteint d'un cancer, accepte de revenir au pays en 1978 pour donner le One Love Peace Concert.

Respect

La bonne surprise du film, c'est qu'Hollywood a traité la vie et l'engagement de Bob Marley avec beaucoup de respect. Certes, la famille de l'artiste est coproductrice du film, au côté notamment de Plan B, la société de production de Brad Pitt, lequel s'était d'ailleurs essayé au patois jamaïcain dans une scène devenue culte de Meet Joe Black (Martin Brest, 1998). L'évocation de rastafari n'est jamais caricaturale ; au contraire, le film montre les rites et la foi des rastas avec justesse. Idem pour la représentation de la Jamaïque et de son peuple. Ceux qui connaissent l'île reconnaîtront des quartiers de Kingston ou Strawberry Hill, une résidence dans les Blue Mountains, que Chris Blackwell, le producteur de Bob Marley, a transformé en sublime hôtel.

Le casting est une grande réussite. Dans le rôle de Bob Marley, le Britannique Kingsley Ben-Adir est bluffant. Il habite son personnage, en reproduit le phrasé, la gestuelle, l'attitude sans tomber dans un exercice d'imitation. Belle interprétation également de Lashana Lynch, Britannique d'origine jamaïcaine qui m'a beaucoup plu dans Mourir peut attendre et The Woman King. Elle campe une Rita Marley digne et aimante malgré les écarts de son mari. James Norton, qui joue Chris Blackwell, est très bien, tout comme Michael Gandolfini et le reste des comédiens. Les amateurs de reggae reconnaîtront d'ailleurs les chanteuses Sevana et Naomi Cowan dans les rôles de Judy Mowatt et Marcia Griffiths, les deux autres I-Threes. A noter qu'Aston Barrett Jr interprète son père, le célèbre bassiste des Wailers.

Good vibes

Avec la famille Marley impliquée, on aurait pu craindre un film qui embellit la réalité. Même si le récit ne s'y attarde pas, l'infidélité de Marley et sa dureté, sa violence même (il était surnommé Tuff Gong, "dur comme le gong"), sont abordés. Certains moments de ses deux années charnières sont survolés ou condensés mais globalement, le récit reste véridique. Bob Marley One Love est autant un hommage au chanteur qu'un message d'amour de ses enfants à leur mère. Leur relation, leurs souffrances et leur amour donnent lieu à des séquences émouvantes.

On en prend plein les oreilles, la musique du grand Bob baignant le film en permanence. On croise aussi beaucoup d'artistes de l'époque, Sir Coxsone, Lee Scratch Perry, Mick Jagger. Sans être exceptionnelle, la mise en scène est suffisamment fluide pour emporter le spectateur dans cette odyssée musicale. On s'exalte, on rit, on a la gorge serrée. Le film fait le job. Et pourtant, on ressort de la salle, à la fois content et frustré.

[spoiler, ne lisez pas si vous n'avez pas vu le film] Récemment dans le bus, j'ai entendu une femme parler du film à une amie. "Il monte sur scène pour le grand concert, on voit son visage en gros plan et le film se termine ! Non mais la frustration ! Le film est top mais frustrant ! Franchement, les gars, refaites la fin !". Je partage le sentiment de cette femme à la fois emballée et déçue. L'arrivée du générique de fin a suscité un brouhaha de commentaires étonnés et déçus dans la salle (pleine) où je me trouvais. Tout le film monte en puissance pour nous emmener vers le One Love Peace Concert si important et donc tant attendu mais, alors qu'on a assisté à des performances musicales tout au long du film, là, plus rien. Rideau ! On aurait souhaité voir la performance de Bob Marley, à l'instar de celle de Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody. A défaut d'une réinterprétation, des extraits du vrai événement, avec des images et une bande-son restaurés, auraient eu de la gueule. Dommage. 

Que cela ne vous empêche pas d'aller voir Bob Marley One Love au cinéma. Et j'incite les amateurs de Bob Marley à voir sans tarder Marley, l'excellent documentaire de Kevin Macdonald (Le Dernier roi d'Ecosse). Il est disponible ainsi que d'autres concerts de l'artiste sur Arte.TV. Et découvrez sans tarder notre dossier Jamaica pour tout savoir de la Jamaïque au cinéma.

Anderton



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