samedi 8 février 2025

BD - Il était une case dans l'Ouest

Le Sacrifice des aigles Aucune tombe assez profonde BD western CINEBLOGYWOOD

On aurait pu penser que le western était un genre qui avait disparu dans l'horizon crépusculaire. C'est tout le contraire : il continue à cavaler sur grand et petit écrans (Horizon, The Power of The Dog, 1883, Yellowstone...). C'est aussi le cas en bande dessinée, comme en témoignent deux très bons albums qui flirtent avec le fantastique : Le Sacrifice des aigles (Delcourt) et Aucune tombe assez profonde (Urban).


Makyo et Eugenio Sicomoro : Le Sacrifice des aigles - tome 1 Dead Smile (Delcourt)

En pleine cérémonie traditionnelle, une communauté hopi est attaquée par une escouade de cavalerie. Massacre, viols. Un an plus tard, deux soldats confient à une prostituée un bébé abandonné devant les portes du fort. Puis un groupe de Hopis vient à la découverte de l'enfant au regard perçant. Il s'avère qu'il a un frère jumeau au sein de la tribu.

Makyo et Sicomoro signent un album hommage au western dans toute sa dimension mythique. Le scénariste français convoque les grandes figures de l'Ouest américain - Indiens qui tentent de survivre aux persécutions, cavalerie qui fait régner l'ordre et déchaîne la violence, habitants d'une petite ville perdue au milieu du désert, parias - et les confronte à un événement surnaturel qui les dépasse tous. En ces terres arides et disputées, la vie est rude, impitoyable. Les frontières du bien et du mal sont aussi floues que la ligne d'horizon brouillée par la chaleur. A quelques exceptions près, les personnages sont brutaux, racistes, lâches. Par son découpage et la composition des cases, Eugenio Sicomoro rend hommage aux grands classiques de John Ford. Majesté des paysages minéraux, expressivité des personnages magnifiquement illustrées par son beau trait réaliste. Impressionnant travail du coloriste Marco Ferraccioni. Du souffle, du drame, du mystère, ce premier tome (lisez un extrait) d'un diptyque est une grande réussite.

Skottie Young et Jorge Corona : Aucune tombe assez profonde (Urban)  

Ryder vit paisiblement auprès de son mari et sa jeune fille dans une jolie demeure au coeur d'une nature digne d'un conte de fée. Mais la jeune femme se met à tousser du sang. Elle est condamnée et l'idée de perdre ce bonheur absolu lui est insupportable. Alors celle qui fut une terreur de l'Ouest connue sous le nom de Revolver Ridge Ryder remet son ceinturon et quitte son foyer. Elle est décidée à aller tuer la Mort.

Récit et dessin font la part belle au baroque. Aux paysages grandioses succèdent un outre-monde démesuré et peuplé de créatures étranges. C'est une odyssée à laquelle nous convie le duo d'artistes : la pistolera ne recule devant rien pour mener à bien sa quête. Elle fait cracher le feu, s'en prend plein la gueule mais jamais ne renonce. Des flashbacks de sa vie de famille l'aident à surmonter les épreuves qu'elle traverse. Shots de joie au coeur des ténèbres. Le grand format de l'album met en valeur le trait détaillé et vif de Jorge Corona ainsi que sa mise en page dynamique (découvrez les premières planches). On est plus proche de Sam Raimi que d'Howard Hawks. Reste que la dextérité du dessinateur est toute entière au service de l'histoire, pleine de fureur et de rebondissements, jusqu'à un final émouvant.


Anderton


Aucun commentaire: