mardi 8 avril 2025

Zion : course-poursuite au coeur de Gwada

Zion Cineblogywood

La promesse de Zion était alléchante. Un film "100 % antillais" qui bénéficie d'une sortie nationale. Mieux encore, le réalisateur Nelson Foix a réalisé un thriller qui embarque un bébé au milieu d'un trafic de drogue et nous donne à voir une Guadeloupe bien éloignée des cartes postales. C'est pas doudou, c'est du-dur ! An bèl réyisit !


Au coeur d'une cité de Pointe-à-Pitre, Chris vivote entre petits trafics de drogue, coups d'un soir et rodéos à moto. Jusqu'au jour où Odell, le dealer local, lui propose de gagner une belle bécane en échange d'une double livraison de drogue en quelques heures. L'occasion est trop belle. Chris accepte. Mais en rentrant chez lui, il découvre devant sa porte un grand sac de course. A l'intérieur, un bébé et un message : "Timoun aw" (Ton enfant). Impossible d'annuler le contrat ! Chris tente bien de confier l'enfant à une amie, sans succès. Il enfourche donc sa moto, avec la came et le bébé dans le sac. Une mauvaise idée, rien ne va évidemment se passer comme prévu.

Dès la séquence d'intro, le spectateur sait qu'il a affaire à un réalisateur qui a des choses à raconter et qui a décidé de le faire avec une vision bien à lui. C'est pourtant son premier film, adapté de son propre court-métrage (Timoun aw), avec l'aide notamment de Jamel Debbouze. On est tout de suite emporté par le récit. La Guadeloupe de Zion n'est ni celle des guides touristiques, ni celle des beaux quartiers. Plongée au coeur des cités antillaises, où règnent comme en métropole la violence, la débrouille et le désoeuvrement. 

Dans le rôle de Chris, Sloan Decombes est la gars (presque) ordinaire projeté dans une situation extraordinaire. Il fait passer toutes les émotions d'un personnage qui nous apparaît d'emblée égoïste et irresponsable avant qu'il développe une affection de plus en plus forte pour ce bambin, dont il refuse d'abord la paternité. Souvent dépassé, il n'en est pas moins malin et bientôt déterminé. Pour que le film soit réussi, il fallait que cet anti-héros soit attachant et c'est le cas. Les galères s'enchaînent et on s'inquiète avec lui.

De Carib en shatta

Au cours de la folle odyssée de Chris, Nelson Foix nous fait découvrir l'état de son île. Rien de misérabiliste. Juste un regard sans fard sur une société qui a perdu ses repères. Il y a encore quelques fragiles passerelles au-dessus du fossé qui se creusent entre les générations, celle des "adultes" qui tentent de faire vivre la culture "péyi" et celle des jeunes qui vivent chaque journée comme si c'était la dernière, entre shatta (le dancehall local) et weed. 

Le réalisateur déroule un récit tendu, ponctué de rebondissements, pétarades de moto, gwo ka (tambours traditionnels) et coups de feu. Et sans baisser d'un cran, sans appuyer son message, il nous donne à partager le quotidien de nos compatriotes antillais. Coût de la vie intenable, volonté de vivre dignement et pour certains en s'affranchissant d'une République ingrate. Une dure réalité qui n'empêche pas le surgissement de séquences oniriques. La séquence finale est formidable. Nelson Foix signe un hommage vibrant à son île et ses habitants. Et on vibre avec lui.

Anderton


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