lundi 30 août 2010

Alain Corneau, l’adieu au choix des armes


Artistes : J’ai appris à aimer le cinéma grâce à Alain Corneau. Oui, madame ! Au début des années 80, quand d’autres décryptaient Fellini et Kurosawa, je décryptais dans mon collège – cher à Anderton et Marcel Martial – toute la filmo d’Alain Corneau – je dis bien « toute ». Car le premier film qui me fut diffusé, en 8mm à l’époque ! c’était France, société anonyme.

Jazzman, proche des milieux trotskistes, passionné, passionnant, il reste une des très grands réalisateurs de ces 30 dernières années, aux côtés de Blier, Tavernier, Miller, n’en déplaise aux Cahiers, en dépit d’une sérieuse baisse de régime ces dix dernières années.

- France, société anonyme : fable de SF sur une société française ravagée par les dealers et l’héroïne. Il faut voir Michel Bouquet en président de la République se shooter à l’héro. Mythique, et vraiment caricatural.

- Police Python 357 : entrée fracassante de Corneau dans le polar made in France. Puissant, froid et méticuleux, un classique du genre, qui offre un Montand un rôle minéral à la Clint Eastwood – pas moins.

- La Menace : l’inverse du précédent, toujours avec Montand. Dernier quart d’heure complètement muet, quasi expérimental, digne de Duel de Spielberg.

- Série Noire : LE film noir des années 70, crapoteux à souhait, avec un énorme Dewaere, un plus gros Blier. La seule transposition réussie de l’univers du roman noir made in US (Jim Thompson, adulé, par Corneau), dialogué par Georges Pérec

- Le Choix des armes :
la rencontre des anciens et des modernes, affrontement Montand-Depardieu côtés truands, Galabru-Lanvin côté flics. Son film le plus melvillien. Déjà un classique.

- Fort Saganne : adaptation plutôt réussie d’un best seller, tourné dans le fort Chingetti en Mauritanie. Depardieu-Deneuve-Noiret, mais surtout deux formidables seconds rôles : Roger Dumas et Michel Duchaussoy.

- Le Môme : non, rien à voir avec Piaf, mais hommage à Otis Redding qui fournit toute la BO du film. Malgré une affiche signée Pellaert, 1er gros échec artistique et commercial de Corneau : miscasting d’Anconina, scénario de polar signé Christian Clavier (oui !), Corneau absent. A réévaluer ?

- Nocturne indien :
son chef d’œuvre ? Une œuvre intimiste et troublante, une véritable quête d’identité à travers le passé et le présent, l’Occident et l’Orient, le français et l’anglais. Hommage indirect à l’un de ses auteurs favoris, Fernando Pessoa. Il faut avoir vu l’errance nocturne de la gare de Bombay par Anglade, sur une musique de Schubert.

- Tous les matins du monde : multicésarisé, multi primé, énorme succès public. Injustifié ? A la revoyure, non. Pari gonflé que d’adapter Quignard et d’en faire un superbe thriller métaphysique sur la puissance de la musique baroque, fallait oser. Marielle impérial.

Après, hum…. Pour mémoire, je retiendrais la tentative Le Deuxième Souffle – en gros, faire un polar en utilisant les procédés de Wong Kar-wai – et surtout, Stupeur et Tremblements, huis clos en entreprise sur la confrontation entre la France et le Japon.

Restent en mémoire un sourire constant, un enthousiasme, une culture, une passion. Pour l’avoir croisé plusieurs fois dans les salles obscures des Halles ou du Panthéon, me reste un regret : celui de ne pas lui avoir exprimé ma gratitude de m’avoir communiqué sa passion du cinéma….

crédit photo : La Tribune de Genève

Travis Bickle

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