dimanche 14 juin 2020

Comics : quand Harleen succombe au Joker

Comics : Je suis toujours fasciné de découvrir comment une histoire connue, en l'occurrence la "naissance" d'un super-héros, peut être réinterprétée, voire réinventée, tout en continuant à intéresser les lecteurs. C'est le cas avec Harleen, un excellent album de BD signé Stjepan Sejic dans lequel l'artiste offre sa vision à la fois ambitieuse et sublime de Harley Quinn.


Le Dr Harleen Quinzel est une jeune psychiatre qui tente de faire accepter ses thèses sur ce qui amène des individus à devenir mauvais et dangereux. Des thèses peu orthodoxes qui rencontrent peu d'écho, d'autant que Harleen n'est pas sûre d'elle - une relation avec un prof quand elle était étudiante lui a collé une sale étiquette dans le petit milieu de la psychiatrie. Mais contre toute attente, Wayne Industries décide de financer ses recherches à l'hôpital psychiatrique d'Arkham, où sont traités les plus grands criminels de Gotham. Elle y retrouve le Joker, qu'elle avait croisé dans la rue lorsque ce dernier avait affronté Batman. Le Dr Quinzel est à la fois fascinée et terrifiée par "Monsieur Jay". Au fur et à mesure des séances, une étrange relation s'établit entre eux deux.

planche tirée de la version française


Stejpan Sejic signe un récit dense, centré sur la personnalité fragile d'Harleen Quinzel et rythmé par son monologue intérieur. Elle fait part de ses doutes, de ses convictions, de ses terreurs et de ses emportements. La psychiatre est consciente du trouble que provoque en elle le Joker mais révèle son incapacité à y mettre un terme. De cas d'étude, le criminel aux cheveux verts devient progressivement une obsession. D'autant qu'il semble accepter la thérapie du Dr Quinzel, dévoilant même certaines de ses failles. Sejic fait progresser l'histoire en distillant une tension qui va crescendo, laissant planer le doute sur les progrès enregistrés par Harleen mais aussi sur sa santé mentale. Et le lecteur de se demander parfois si l'héroïne décrit bien ce qu'elle a vécu ou si elle n'est pas en train de rêver son fantasme.

Sur le vif

Un scénario prenant donc que Stjepan Sejic illustre avec brio. Ses planches sont splendides. Il y a d'abord son dessin à la fois souple et précis. En y regardant de plus près, on constate que son trait est plus vif que posé. Il saisit l'essence d'une expression, d'un mouvement, sans chercher une finition chirurgicale. Un style qui apporte beaucoup de dynamisme mais aussi de sensualité.

extrait de planche tirée de la version originale

Le dessin est sublimé par une mise en couleurs (Sejic a débuté comme coloriste) qui laisse bouche bée. La chromie toute en nuances ainsi que le soin apporté aux zones de lumière et aux ombres donnent vie aux personnages et relief aux décors. Le Croate est d'ailleurs passé maître dans l'art de donner corps à la brume et à la fumée, comme en atteste les cases ci-dessous.

extrait de planche tirée de la version française

L'album regorge de trouvailles visuelles, magnifiquement exécutées. Sejic réussit à signer une histoire psychologique et rythmée, sans négliger les scènes d'action (avec Batman, of course), ni quelques séquences qui fleurtent avec l'érotisme - un genre dans lequel l'artiste excelle avec sa série Sunstone.

Une fois de plus, Urban Comics propose une belle édition grand format, qui met en valeur le travail de Sejic. Le récit complet est accompagné d'une galerie de couvertures et des travaux préparatoires ayant abouti à cette réussite totale baptisée Harleen.

Anderton

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