lundi 18 novembre 2024

Les Misérables : la "qualité française" dans tout son éclat

Les Misérables Blu-ray CINEBLOGYWOOD


Réalisé par Jean-Paul Le Chanois (1958), Les Misérables sort en vidéo dans une magnifique version restaurée. L'occasion de (re)découvrir un grand spectacle porté par les stars du cinéma français de l'époque, Gabin, Blier et Bourvil.


Entre les souvenirs de lecture et des adaptations en tous genres (films, fictions, série, comédie musicale, BD...), on a l'impression de connaître par coeur Les Misérables. Valjean dans les égouts de Paris, les affreux Thénardier, Gavroche au pied des barricades, la malheureuse Cosette, l'implacable Javert... Malgré ses nombreuses diffusions à la télévision, je n'avais jamais vu le film de Jean-Paul Le Chanois. L'édition vidéo proposée par Pathé est donc tombée à point pour combler cette lacune. D'autant que l'oeuvre est proposée dans une version restaurée, qui met en valeur le Technicolor ainsi que les décors et costumes grandioses de cette superproduction européenne de la fin des années 1950. Tourné en partie dans les studios de Babelsberg, en Allemagne de l'Est, le film (coupé en deux parties de 91 et 101 minutes) a bénéficié des moyens considérables mis à la disposition du cinéaste par les autorités est-allemandes. La bataille de Waterloo et les séquences de barricades emballent par leur ampleur et au-delà, c'est tout le film qui est traversé par un souffle épique.

Gabin et les admirables

Il faut dire que Le Chanois et l'écrivain René Barjavel ont signé un scénario qu'ils ont voulu le plus fidèle possible au roman de Victor Hugo. Le spectateur est emporté par l'histoire de Jean Valjean, l'injustice dont il est victime, la générosité dont il fait preuve. Avec sa stature imposante, sa voix douce et son regard qui transperce son interlocuteur, Jean Gabin en est un formidable interprète. D'autant qu'il sait faire oublier sa force physique pour révéler les blessures profondes de son personnage. Tout le casting est réussi. Tout au long du film, Bernard Blier incarne un Javert intransigeant, prêt à tout pour renvoyer Valjean au bagne, jusqu'à son épiphanie finale, que le comédien joue avec une sensibilité bouleversante. Bourvil surprend dans un contre-emploi, celui de Thénardier, une belle ordure à laquelle il apporte des nuances - regard qui s'égare, hésitations fugaces, peur qui monte...

Grandes dames du théâtre, Danièle Delorme (Fantine) et Silvia Montfort (Eponine) nous hypnotisent à chaque apparition tandis que Giani Esposito (Marius) et Béatrice Altariba (Cosette) parviennent à sauver leurs personnages de la fadeur, aux côtés de tels monstres sacrés. Et, comme à son habitude, le cinéma français met en valeur d'excellents seconds rôles, tels Fernand Ledoux et Serge Reggiani. Autre personnage à part entière, le narrateur auquel Jean Topart prête sa voix ensorcelante.

Les Misérables a tout du "cinéma de papa", conspué par les journalistes des Cahiers. Par delà les invectives parfois malhonnêtes de ces jeunes Turcs de la critique, force est de constater que le film a bien résisté au passage du temps. Il fait vivre une galerie de personnages mus par des convictions et pétris de contradictions, il met en scène le grand spectacle de l'Histoire tourmentée du XIXe siècle, il dénonce l'injustice, l'oppression, la misère. Dans un bonus édifiant, les professeurs Delphine Gleizes et Arnaud Laster reviennent d'ailleurs sur les sympathies communistes de Jean-Paul Le Chanois et son engagement pour rendre honneur à l'oeuvre de Victor Hugo. Une oeuvre qu'ils décortiquent tout comme son adaptation cinématographique. Pathé nous propose également un extrait d'interview du cinéaste et de Bernard Blier lors de la sortie du film. 

"La vie, le malheur, l'isolement, l'abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres", écrit Victor Hugo dans Les Misérables. Le film de Le Chanois en est une magnifique illustration.

Anderton


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