Plus de 9 millions en spectateurs en France, plus de 100 millions de dollars de recettes dans le monde... Le Comte de Monte Cristo est un grand succès populaire, qu'il est désormais possible de (re)voir en vidéo chez Pathé. Avec en prime deux bons bonus qui apportent un bel éclairage à cette superproduction française.
Il est facile après coup d'expliquer la recette d'un succès cinématographique. Il y a d'abord le roman culte écrit par Alexandre Dumas, avec la collaboration d'Auguste Maquet. D'ailleurs, les scénaristes-réalisateurs Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière n'oublient pas de remercier ce dernier dans le générique de fin du film, conscients de son apport à ce roman-feuilleton publié pendant près de deux ans à partir de 1844 et probablement aussi de la dynamique créative créée par un duo. Une dynamique créative qui a fait des étincelles pour cette adaptation. Dans un des bonus, qui donne la parole aux talents du film, Delaporte et de la Patellière reviennent sur le défi de condenser les près de mille pages du livre en 160 pages de scénario. "Alexandre Dumas était un pirate", justifie Delaporte, ce qui a incité le duo à adopter la même approche, en s'appropriant le récit, en lui apportant quelques changements importants, en réunissant plusieurs personnages en un et en étoffant les liens entre les trois "vilains".
"A fond"
Face à une oeuvre aussi monumentale et si souvent adaptée, il fallait donc une approche décomplexée, explique le binôme qui s'est empressé de la transmettre à toute l'équipe du film. Avec un mot d'ordre : "Allons-y à fond". Le film englobe une multitude de genres (aventure, romance, thriller...) qui ont à chaque fois été traités comme tels, "à fond", dans une sorte de premier degré refusant le cynisme ou la parodie. Le liant, c'est une mise en scène qui joue avec les codes de ces genres et apporte un souffle au déroulement de l'action. Le spectateur s'attend à un grand spectacle et c'est ce que lui offrent Delaporte et de la Patellière.
Performances au service du récit
Autre pilier de ce succès : les comédiens. Il fallait une certaine stature pour incarner Edmond Dantès, un homme bon victime d'une terrible injustice qui se transforme en implacable justicier. Le tout sur plus de vingt ans. Pierre Niney réussit le challenge, transmettant à son personnage une candeur originelle avant de l'habiter d'une rage froide. Il nous émeut, nous captive par son art de la manipulation, nous inquiète, sans jamais que ses agissements de plus en plus radicaux nous éloignent de lui. Dans un bonus, il rend hommage au travail du maquilleur (Pierre-Olivier Persin) et, fait suffisamment rare pour être signalé, à celui de la scripte (Marie Gennesseaux), qui lui ont permis d'entrer plus facilement dans les différents rôles (Dantès à plusieurs époques, Monte Cristo et ses avatars). Il n'empêche que sa prestation est formidable.
Idem pour l'ensemble du casting. Laurent Lafitte indique avoir joué son rôle de procureur avec le ton plein d'assurance et un peu détaché de l'homme de loi dont l'autorité est sans égale pour mieux faire jaillir sa réaction lorsqu'il est confronté à ses méfaits. Quelle scène, quelle interprétation ! Patrick Mille campe pour sa part un salopard intégral, brutal et fier de l'être tandis que Bastien Bouillon, en troisième vilain, parvient à incarner la traîtrise, ou comment un jeune homme avec une bonne éducation peut abandonner son meilleur ami puis ses idéaux pour poursuivre ses intérêts. Anaïs Demoustier n'avait pas le rôle le plus simple, elle fait pourtant exister Mercedes, le seul amour d'Edmond Dantès, aux côtés de trois méchants aux fortes personnalités, en lui faisant porter une sorte de dignité résignée qui la rend touchante. Quant à Pierfrancesco Favino, il illumine la courte mais importante apparition de l'abbé Faria. La jeune génération se hausse à la hauteur de ses prestigieux aînés. Anamaria Vartolomei, Vassili Schneider et Julien de Saint Jean nous emportent par leur fougue et l'intensité des émotions qu'ils laissent éclater.
Une question d'atmosphère
Tous reconnaissent l'influence des décors de Stéphane Taillasson et des costumes de Thierry Delettre sur leurs prestations. On comprend dans les suppléments de l'édition vidéo que plus que la véracité historique, les réalisateurs ont choisi l'authenticité des émotions. Certains mobiliers, certaines étoffes sont postérieures à l'époque où se déroule le récit mais l'ensemble dégage une atmosphère originale, magnifiée par la photo de Nicolas Bolduc.
Il est facile après coup d'expliquer le succès du film. Mais les exemples d'adaptations ratées ne manquent pas. Reconnaissons au producteur Dimitri Rassam d'avoir su voir grand et s'entourer de talents conscients de participer à un film comme on en fait peu. Le Comte de Monte Cristo sort en vidéo à la même période que Les Misérables (1958) de Jean-Paul Le Chanois, proposé également par Pathé et dans une superbe version restaurée. Deux adaptations réussies de grands romans classiques, deux superproductions n'ayant pas lésiné sur les moyens pour offrir un grand spectacle populaire, deux films portés par la crème des comédiens hexagonaux. La démonstration à près de 70 ans d'écart d'un formidable savoir-faire du cinéma français.
Anderton
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