lundi 3 septembre 2018

A Beautiful Day : un thriller hallucinant

En DVD et Blu-ray (le 5 septembre) : Film choc présenté et deux fois primé au Festival de Cannes 2017, A Beautiful Day (You Were Never Really Here), de Lynne Ramsay et avec Joaquin Phoenix, est désormais disponible en vidéo. L'occasion de reprendre une sacrée claque.


Au coeur du film, un terrible sujet : la pédophilie. Joe est payé pour retrouver des enfants kidnappés et les sortir des lieux où ils sont exploités sexuellement. Ce qu'on appelle une extraction, dans le jargon militaro-policier. Joe prépare soigneusement ses missions et les mène de manière implacable, avec pour seule arme un marteau. Massif et brutal, le sauveteur est atteint de dépression et de stress post-traumatique. Alors qu'il doit ramener la fille disparue d'un politicien, sa mission tourne mal.


Hallucinations

A partir d'un roman court de Jonathan Ames, Lynne Ramsay a signé un film sombre, violent, fracturé mais qui ne s'interdit ni bouffées d'émotion, ni éclats d'humour. Si son scénario a été primé à Cannes, sa mise en scène aurait pu l'être également tant la réalisatrice britannique est parvenue à donner une forme originale et déconcertante à ce qui n'aurait pu être qu'une honnête série B. Elle nous fait ressentir les troubles sensoriels de Joe, lors de flashs qui dévoilent ses traumas de l'enfance et sous les drapeaux. Visions fugaces, surimpressions sonores... Voix, sirènes, bruits de la ville. Des hallucinations exacerbées par un montage "fracturé" et amplifiées par des plans en mouvement de New York : métro et véhicules en marche brouillent l'écran tandis que par la fenêtre de sa voiture, Joe assiste au spectacle de la vie nocturne - SDF qui fait les poubelles, couple qui s'embrasse, jeunes filles court vêtues. Nous voici un peu paumés, comme pris de vertige.

Panic attacks

A l'instar de Nina, la fille du politicien interprétée par Ekaterina Samsonov, le spectateur se retrouve sur le dos de Joe et l'accompagne dans son "odyssée qui s’apparente aussi bien à une descente aux enfers qu’à une quête rédemptrice", pour reprendre les mots justes de notre rédacteur Travis Bickle (lire sa chronique du film). Quelle interprétation de Joaquin Phoenix ! Récompensé lui aussi à Cannes, l'acteur s'est taillé une silhouette massive, toute en force et en bidoche. Regard perçant, barbe broussailleuse, corps strié de cicatrices qui en disent long sur le passé du bonhomme. Phoenix parvient à faire coexister dans le même personnage un guerrier implacable, un fils dévoué et un enfant paniqué. Toujours sur le fil, Joe bascule (dans la violence, l'angoisse ou la renonciation) avant de se rattraper in extremis. Sa relation avec sa mère puis avec Nina donne lieu à quelques scènes pleines d'émotion.

Conte atypique

Je cite à nouveau Travis Bickle (au pseudo bien-nommé), "A Beautiful Day est à Taxi Driver, La Blessure, Le Privé, La Cité des Dangers ce que Drive était au Solitaire et à Driver : un update respectueux et sensoriel, totalement en phase avec l’univers de leur réalisateur respectif". Le film de Lynne Ramsay peut aussi être vu comme un conte de fée moderne et atypique, avec sa princesse séquestrée et son preux chevalier, qui est aussi un ogre et qui affronte des dragons, y compris intérieurs. Et la libération (la délivrance !) n'est peut-être pas celle que l'on croit. Au passage, il y a de quoi se réjouir qu'un tel film soit en partie produit par des Français (Why Not Productions, la boîte de Pascal Caucheteux et Grégoire Sorlat).

L'édition de M6 Vidéo met en valeur la superbe photo du film, signée Thomas Townend, ainsi que la bande son (score composé par Jonny Greenwood de Radiohead). En bonus, deux entretiens : l'un très instructif avec Lynne Ramsay, l'autre avec Joaquin Phoenix, qui semble un peu moins concerné. Il en ressort toutefois pas mal d'infos : la réal et l'acteur se sont bien entendus, même s'ils ne se sont rencontrés que sur le tournage - une conversation téléphonique avait scellé leur accord. Le tournage a d'ailleurs été court et dense mais bien préparé. Phoenix et Ramsay ont beaucoup travaillé sur la définition du personnage. Et quand l'acteur avait un problème avec la "vérité" d'une situation, la réalisatrice n'hésitait pas à prendre sa place et jouer la scène pour comprendre ce qui clochait. Cette osmose se ressent à l'écran. Ne passez pas à côté de cette pépite.

Anderton

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