En DVD : Si je vous dis que The Hollow Crown est une adaptation TV de certaines pièces de Shakespeare, il est possible que vous soyez tentés d'arrêter là votre lecture. Mais si j'ajoute que vous retrouverez au casting de cette série britannique Tom Hiddleston, Ben Whishaw, Jeremy Irons et Patrick Stewart, vous devriez avoir envie d'en savoir un peu plus. Et vous auriez raison car cette première saison de quatre "épisodes" est une formidable réussite. Pour au moins quatre raisons.
1) Shakespeare pour tous !
Avant tout, laissez de côté vos préjugés sur le théâtre filmé. The Hollow Crown a été lancé dans le cadre des manifestations culturelles organisées en 2012 par le Royaume-Uni pour accompagner les Jeux Olympiques de Londres. L'objectif affiché était de faire (re)découvrir les chefs-d'oeuvre de Shakespeare en les rendant accessibles au plus grand nombre. Cette saison 1 est conçue comme un cycle de quatre téléfilms autour de trois pièces qui se suivent chronologiquement : Richard II, Henry IV (en deux parties) et Henry V.
2) Un cadre prestigieux
Assistée notamment de Sam Mendes et de sa partenaire Pippa Harris à la production exécutive, la BBC a mis les moyens pour que ces pièces soient filmées dans des décors somptueux, parfois même dans des sites historiques ou des paysages grandioses. De chaque opus se dégage ainsi un souffle épique. Complots, affrontements, passions... l'atmosphère générale évoque celle de Games of Thrones. Les personnages, aussi. Et pour cause, l'oeuvre de George R.R. Martin s'inspire elle-même des écrits du Barde anglais tout autant que de l'histoire médiévale.
3) Une approche naturaliste
Deuxième parti pris : respecter la beauté des vers tout en les ramenant au niveau de conversations. Pas de grandes déclamations théâtrales, qui sonnent toujours faux à l'écran, mais des échanges naturels, pleins de vie. Cette approche facilite la compréhension des propos en même temps qu'elle fait ressortir l'humanité des personnages. Lesquels ne sont plus juste des figures historiques mais des hommes et des femmes, qui souffrent, doutent, se trompent, se battent, s'exaltent. Les différents réalisateurs (Rupert Goold, Richard Eyre et Thea Sharrock) collent au plus près des visages et privilégient les plans en mouvement, contribuant à leur tour à abolir la distance entre les personnages et les spectateurs.
4) Un casting royal
Pour rendre compréhensibles les vers de Shakespeare, sans en altérer le rythme ni la beauté, il fallait des comédiens qui sachent se les approprier pour les dire sur un ton naturel. Le casting est tout simplement brillant. Dans Richard II, Ben Whishaw campe un roi maniéré, grandiloquent et faible, qui se fait détrôner par son cousin, le futur Henry IV. Interprétation phénoménale, inspirée en partie par... Michael Jackson et qui vaudra à Whishaw un Bafta du meilleur acteur. Face à lui, dans le rôle du cousin rebelle, Rory Kinnear (le premier ministre amateur de truie dans le premier épisode de Black Mirror) lui oppose une interprétation contenue, tendue. Patrick Stewart et David Suchet (Hercule Poirot) montrent leur savoir-faire : qu'ils ouvrent la bouche et nous sommes captivés.
Dans Henry IV, Jeremy Irons est formidable en souverain vieillissant, qui tente de maintenir l'unité de son royaume. Il est au désespoir de constater que son fils aîné, Hal, passe son temps à boire et s'amuser : avec son sourire éclatant, Tom Hiddleston incarne l'insouciance avant de se transformer, dans Henry V, en roi ayant finalement pris le sens des responsabilités. Le voici épée au clair sur les champs de batailles jusqu'à la victoire sur les Français à Azincourt. Pour ceux qui ont vu le Henry V de Kenneth Branagh, c'est un régal de comparer comment chacun des comédiens a abordé l'une des plus célèbres tirades du répertoire théâtral anglais - celle où Henry mobilise ces troupes dans un bel élan patriotique. Là où Branagh poussait de la voix, Hiddleston choisit le ton de la confidence.
Un grand moment d'émotion, tout comme ceux que suscitent certains de ses échanges avec son compagnon de beuveries, Falstaff le soudard, la grande gueule. Simon Russell Beale (formidable Churchill dans la mini-série Dunkerque) n'en fait pas qu'un bouffon paillard, il parvient à en faire jaillir les failles et à nous faire nouer la gorge. Un autre Bafta mérité !
Un grand moment d'émotion, tout comme ceux que suscitent certains de ses échanges avec son compagnon de beuveries, Falstaff le soudard, la grande gueule. Simon Russell Beale (formidable Churchill dans la mini-série Dunkerque) n'en fait pas qu'un bouffon paillard, il parvient à en faire jaillir les failles et à nous faire nouer la gorge. Un autre Bafta mérité !
Egalement au casting : John Hurt, Richard Griffiths (l'oncle Vernon dans Harry Potter), Julie Walters, Michelle Dockery (Downton Abbey), Geraldine Chaplin, Clémence Poésy, Mélanie Thierry, Lambert Wilson et quelques acteurs de Game of Thrones. C'est aussi formidable de constater que des rôles importants ont été confiés à des comédiens noirs, tels Patterson Joseph. Les Anglais font passer le talent avant la couleur de peau et c'est tant mieux. J'imagine les polémiques qu'auraient suscité de tels choix dans des adaptations de Molière en France...
Chaque épisode dure environ deux heures mais on ne sent pas le temps passer. Le téléspectateur est emporté par la poésie des oeuvres et leur incroyable modernité. En bonus, ce coffret édité par L'Atelier des images propose entretiens et making of. Laissez-vous emporter !
Anderton
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