mardi 11 septembre 2018

En route pour la gloire : l'odyssée folk signée Hal Ashby

En DVD et Blu-ray : Sans avoir obtenu la popularité de Steven Spielberg, Martin Scorsese ou Francis Coppola, Hal Ashby est considéré comme une des icônes du Nouvel Hollywood. Un peu oublié aujourd'hui, son influence se fait pourtant sentir chez un cinéaste comme Wes Anderson. Surtout, il a laissé à la postérité quelques grands films : Bienvenue Mister Chance, Harold et Maude, Retour ou encore En route pour la gloire (Bound for glory, 1976), disponible en vidéo dans un nouveau master haute définition.



Et de route, il en est bien question puisque le film retrace le parcours de Woody Guthrie. Peintre sans travail, guérisseur malgré lui, gratteur de guitare quand ça lui chante, Guthrie est une sorte de hippie avant l'heure, rétif à toute forme d'autorité ou de contrainte. Incapable de faire vivre sa famille dans un Texas battu par les tempêtes de sable, il quitte femme et enfants pour prendre part à la grande ruée vers l'Ouest des années 30, marchant, faisant du stop, sautant à bord des trains. Comme d'mander la charité, c'est que'que chose qu'il peut pas faire, Woody propose ses services contre un peu de nourriture. Un coup de pinceau par ici, une chanson par là... Et Woody a eu le temps de peaufiner son répertoire.

Ses chansons racontent la beauté et la dureté des paysages qu'il traverse mais aussi l'oppression que subissent les pauvres gens... Des protest songs qu'il partage de bidonvilles en campements de fortune avec les hobos (remember L'Empereur du Nord) et les immigrés de l'intérieur, exploités par les compagnies fruitières californiennes (Souvenez-vous, Les Raisins de la colère). Il s'engage encore plus loin en incitant les ouvriers agricoles à se syndiquer. Paisible de nature, il n'hésite pas à se jeter dans la bagarre quand il faut défendre ses idées. Et lorsque la gloire se pointe enfin - via un contrat à la radio, Woody est sommé d'arrêter de chanter sa folk révolutionnaire


Ulysse au temps de la Grande Dépression

Alors que le rôle a été proposé en vain à Bob Dylan, Dustin Hoffman, Jack Nicholson ou Al Pacino, c'est finalement David Carradine (la série Kung Fu, Kill Bill) qui prête ses traits à Woody. Yeux plissés et petit sourire narquois, économie de gestes, paroles rares... Carradine porte le film sur ses épaules tout en en donnant l'impression d'être toujours en retrait, presque absent. Un je-m'en-foutisme que l'acteur a fait sien pendant le tournage, parfois au grand dam d'Ashby. Mais la prestation de Carradine est en tous points remarquable. A ses côtés, on retrouve Ronny Cox (Délivrance, Le Flic de Beverly Hills, Robocop), Randy Quaid (Missouri Breaks, Midnight Express et La Dernière corvée d'Ashby), Melinda Dillon (Rencontres du troisième type), Gail Strickland (La Toile d'araignée) mais aussi Wendy Schaal (une habituée des films de Joe Dante) et même Bernie Kopell, le toubib de La Croisière s'amuse !

C'est l'odyssée d'un homme libre que filme Hal Ashby. Prêtres insensibles, flics corrompus, miliciens cruels sont les cyclopes de cet Ulysse moderne, qui trouve sa Calypso en une riche divorcée tandis que les sirènes de l'industrie musicale cherchent à le détourner de son engagement. La comparaison avec le héros d'Homère (et O'Brother des frères Coen) s'arrête là car Woody n'est pas animé par le désir de retrouver son foyer. Il renonce aux siens pour pouvoir dénoncer les injustices dont sont victimes les autres. Un humanisme qui n'est pas exempt d'égoïsme.

Désenchantement sépia

A travers les pérégrinations du personnage, Hal Ashby brosse un tableau désenchanté de l'Amérique, montrant les ravages du capitalisme sans chercher à faire de grandes démonstrations. Le sort des laissés pour compte est évoqué lors de tranches de vie poignantes. Pour autant, la cruauté des situations n'interdit pas des moments joyeux, et même drôles. Du pur Ashby.

Le directeur de la photographie Haskell Wexler (Au coeur de la nuit, L'Affaire Thomas Crown) baigne le film dans une lumière sépia et dorée, comme si une de ces terribles tempêtes de poussière avait recouvert la pellicule. Magnifique travail récompensé par un Oscar et bien mis en valeur par cette édition remastérisée signée ESC Editions.



En route pour la gloire a obtenu un deuxième Oscar pour sa musique : les chansons ont été composées par... Woody Guthrie. Car, si comme moi vous ne le saviez pas (j'avoue, la folk music, ce n'est pas vraiment mon truc), vous apprendrez dans un bonus que Guthrie fut une voix légendaire de la folk, célébrée par Bob Dylan, Joan Baez ou Bruce Springsteen. Le film, très romancé, est l'adaptation de son autobiographie, qui prenait également quelques distances avec la réalité. Qu'importe finalement. Reste un grand film que vous pouvez (re)découvrir dans une belle version.

Anderton

Aucun commentaire: