A lire : Les comics ne se résument évidemment pas aux aventures de super-héros. Pas de cape dans Sheriff of Babylon mais des body bags : cette bande dessinée nous plonge au coeur du chaos irakien post-Saddam à travers une enquête sur un meurtre. Au sommaire : lourds secrets, violence crue, situations complexes, personnages tourmentés.
Retour en Irak. 2003, juste après la chute de Saddam Hussein. Retranchée dans la Green Zone, l'armée américaine tente de remettre en route un pays en proie au chaos, notamment en formant des nouveaux policiers sans lien avec l'ancien régime. L'une des recrues en formation est retrouvée assassinée. Son instructeur, Christopher Henry, mène l'enquête, s'appuyant sur les relations de Safia, une Irakienne influente qui est revenue dans son pays après un exil aux Etats-Unis. Elle met Chris en contact avec Nassir, un ancien flic irakien aux méthodes musclées. Christopher ne se doute pas du lourd secret que partagent ses deux acolytes.
King of storytelling
Publié par Urban Comics, cet album de 300 pages compile les douze numéros de Sheriff of Babylon sortis chez l'éditeur américain Vertigo, entre 2015 et 2017. Au scénario, Tom King. Parcours intéressant que celui de ce quadra : après quelques stages chez Marvel et DC Comics, King rejoint la CIA après les attentats du 11 septembre. Il y travaille pendant sept ans, dans le domaine du contre-terrorisme. Puis retour à la vie civile avec un premier roman suivi par plusieurs comics chez DC Comics (Teen Titans, Batman, Justice League, Superman...) et Marvel (Vision).
King s'appuie sur son expérience à la CIA et ses fréquentes missions en Irak pour brosser le tableau d'un pays qui n'est plus en guerre mais qui est encore loin de connaître la paix. Le terrorisme sévit tandis que le nouveau pouvoir irakien tente de s'imposer avec le soutien de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Le scénariste ponctue son récit de tranches de vie qui en disent plus longs que de grandes démonstrations. Relations tendues entre l'armée américaine et la population irakienne, épuration, attentats... Les soldats sont nerveux et ont la gâchette facile. Un simple échange avec un enfant, une erreur d'appréciation et c'est la bavure.
Dans ce contexte planté de manière très directe, Tom King donne vie à des personnages qui sont tout sauf unidimensionnels. Pas de splendide héros, ni de salaud intégral. Chaque individu est doté d'une épaisseur psychologique qui rend compte de son vécu, même si on ne connaît pas forcément son passé en détail. Ses failles, ses souffrances se révèlent au fil des pages, permettant de mieux comprendre ses agissements. Le lecteur est amené en permanence à revoir son jugement à la lumière des révélations que distille King avec un grand sens du récit. Et on apprécie que les relations entre les personnages soient creusées avec beaucoup de finesse, loin des clichés.
Planche et détail tirés de la version originale |
Réalisme cru
Le réalisme de cette histoire tient également au dessin de Mitch Gerads, proche du photojournalisme. Chaque case évoque un cliché pris sur le vif. Des coups de crayon jetés sur le papier qui n'empêchent pas une vision détaillée des personnages et de leur environnement. Ambiance sombre, tons ocres. La violence des situations est représentée de manière très crue. Le dessinateur développe une approche très cinématographique. D'ailleurs, le héros ressemble beaucoup à Chris Hemsworth. C'est vrai que Sheriff of Babylon ferait un bon film, ou une bonne série. En attendant, c'est un album coup de poing qui ne laisse pas de marbre.
Anderton
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