mardi 30 avril 2019

Paris au mois d'août : la passion restaurée

En DVD et Blu-ray : Pathé continue son oeuvre de restaurer des films de son vaste catalogue, nous réservant de belles (re)découvertes. C'est encore le cas avec Paris au mois d'août, le 4e long-métrage de Pierre Granier-Deferre, avec Charles Aznavour et Susan Hampshire bondissant et flirtant dans les rues désertes de la capitale. Un film gai et touchant.



D'abord, un aveu. J'aime bien Pierre Granier-Deferre (La Horse, Adieu Poulet), René Fallet (Le beaujolais nouveau est arrivé), qui a écrit le roman - Prix Interallié 1964 - dont le film est tiré, et Charles Aznavour, qui signe avec son fidèle Georges Garvarentz, la chanson du même nom qui conclut le film. Et pourtant, je n'avais jamais lu ni, vu, ni entendu Paris au mois d'août. D'accord, ça fait beaucoup. Toujours est-il que j'ai retrouvé dans ce long-métrage la truculence et la poésie de l'écrivain, le savoir-faire du cinéaste ainsi que la flamboyance du chanteur et le naturel gouailleur du comédien.

Le trio nous emmène à Paris en plein été. Vendeur à La Samaritaine, Henri Plantin se retrouve seul dans l'appartement familial, après que femme et enfants sont partis en vacances à la mer. Alors qu'il feuillette un ouvrage devant la boîte d'un bouquiniste, sur les quais de Seine, il tombe sur une jeune Anglaise Patricia, qui cherche son chemin. Henri propose de l'accompagner à destination. Les voici déambulant sur les trottoirs clairsemés. Elle dit qu'elle est mannequin, il prétend qu'il est peintre. Elle s'exalte, rit, lui pose des tas de questions ; il s'en amuse mais reste sobre, dans ses paroles comme dans ses gestes. Le courant passe, Henri retire discrètement son alliance. La nuit tombe, ils se quittent en promettant de se revoir. Henri est amoureux.


Le charme du film tient d'abord au Paris disparu qu'il nous donne à voir. Grandes artères vides, murs lépreux et immeubles brinquebalants, petits commerces désormais introuvables, réclames et voitures d'un autre temps... Un Paname qui rappelle les photos de Doisneau ou Brassaï, à la fois familier et profondément exotique, et dont Claude Renoir, le directeur de la photo, fait briller les pavés et les façades. La magnifique restauration nous fait savourer toute la beauté de son noir et blanc contrasté. Collant aux pas du duo d'amoureux, Granier-Deferre alterne les lents travellings et des mouvements de caméra fixée à une voiture à pleine vitesse, comme pour donner de l'allant à une passion qui enfle alors que toute la cité semble endormie.

Balayé par septembre...

Le texte de Fallet, mis en dialogue par Henri Jeanson, évoque également une langue à la fois populaire et élégante, dont les mots claquent dans les bouches des comédiens. Parlons-en des comédiens. Il y a d'abord, Charles Aznavour. Son jeu naturel est d'une grande modernité. Il ne cherche pas à cacher son petit accent parigot, ni à en surjouer. Au fur et à mesure que la passion grandit, le comédien fend l'armure de son personnage : son rythme s'accélère, ses gestes s'amplifient, sa voix claironne. Face à lui, la pétillante Susan Hampshire, qui deviendra Madame Granier-Deferre à la ville pendant quelques années. C'est une sorte de Jane Birkin avant l'heure : petit accent délicieux, exubérance, franchise désarmante. Le duo est bon et beau à regarder, jusqu'à un final poignant, mis en scène avec beaucoup d'inventivité. Le reste du casting fleure bon le cinéma français des seconds rôles : Daniel Ivernel (Docteur Popaul), Jacques Marin (l'épicier collabo qui file du "à l'ail" dans La 7e Compagnie), Alan Scott (un beau gosse vu chez Demy et Varda) et Michel de Ré, dans un rôle de copain nonchalant qui aurait très bien pu être interprété par Philippe Noiret.  



Pathé nous offre un splendide combo Blu-ray/DVD, complété par quelques bonus qu'on regarde avec plaisir : des entretiens avec des spécialistes d'Aznavour et Granier-Deferre ainsi que des extraits d'actualités Pathé sur les aoûtiens, la transformation de Paris et Aznavour en répétition. Que du bonheur.


Anderton

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