En salles (le 22 septembre) : On s'est habitués à leur présence, à la fois rassurante et vaguement inquiétante. Les soldats français arpentent nos rues, Famas au poing, prêts à signaler toute menace terroriste et à intervenir si besoin. Dans La Troisième guerre, le réalisateur Giovanni Aloï nous intègre à une équipe Sentinelles, aux côtés d'Anthony Bajon, Karim Leklou et Leïla Bekhti. Un premier long-métrage réussi, entre tension et frustrations.
Léo s'est engagé dans l'armée avec la volonté de servir et défendre son pays. Le jeune Vendéen est affecté à une caserne parisienne d'où il prend part à des patrouilles Sentinelles, sous les ordres de Yasmine. En même temps qu'il découvre la vie de caserne, sympathisant avec la grande gueule Boutami, Léo se rend compte des limites de ses missions. Sa déception se transforme progressivement en colère sourde.
Giovanni Aloï et son coscénariste Nicolas Baumard (coréalisateur des Méchants, avec Mouloud Achour) signent un récit naturaliste, qui plonge le spectateur au coeur du réel. Leur description de la vie de caserne, faite de désoeuvrement en chambrée, de tâches ingrates, d'échanges de vannes et de bouffées de testostérone, est particulièrement bien vue. Cela m'a rappelé (sans nostalgie aucune) mon service militaire - pour ceux que ça intéresse, deux mois de classes au 12e régiment d'artillerie à Oberhoffen puis huit mois dans une unité NBC à Strasbourg, rompez ! Retour au film : la routine est cassée lors des patrouilles à Paris. Léo et Boutami traquent l'individu louche, la poubelle de travers, le moindre signe qui sort de l'ordinaire. Une surveillance qui vire à la paranoïa et traduit le besoin d'action, l'envie d'en découdre.
Léo et Boutami se font des films. Sur leur rôle pour assurer la défense de leurs compatriotes - lesquels renvoient au visage des militaires ingratitude et indifférence - mais aussi sur leurs propres capacités. Les soldats semblent plus errer que patrouiller et leurs interventions sont toujours en décalage, inutiles ou inappropriées. Comme invisibles, ils ne parviennent pas à exister ni à interagir de manière apaisée avec les "civils". Leur refuge, c'est la caserne ; leur bouclier, la fraternité virile et parfois brutale entre soldats.
Trio au top
Le réalisateur italien installe une tension d'abord diffuse et qui va monter crescendo en même temps que sa mise en scène naturaliste va basculer vers l'onirisme, notamment lorsque la patrouille se retrouve au milieu d'une manif. Bousculée, privée de repères, déchirée entre son devoir d'intervenir et son obligation de ne pas se mêler des opérations de maintien de l'ordre, la petite troupe perd pied jusqu'à un final fort.
Les comédiens sont formidables. Anthony Bajon offre une interprétation brute, très premier degré, qui colle parfaitement à la personnalité de son personnage, un peu frustre mais attachant. Karim Leklou campe un Boutami bourrin et va-t'en guerre - après Bac Nord, il démontre toute l'étendue de son jeu, dans des registres psychologiques très différents. Et puis, il y a Leïla Bekhti. Visage fermé, traits tirés, elle incarne une jeune femme portant le poids des responsabilités et d'un secret intime. Une femme qui peine à maîtriser la fougue de son équipe et qui encaisse sans broncher les remontrances de son supérieur mais aussi les injustices d'une institution qui pénalise les femmes. La comédienne est bouleversante dans sa manière de contrôler ses émotions vives. Et elle n'est pas loin de nous tirer des larmes dans la scène finale, où elle finit par abaisser la garde d'une façon inattendue, à la fois impudique et rayonnante.
La Troisième guerre est un premier long-métrage réussi. Dai, Giovanni, aspettiamo il prossimo film pieni di aspettativa !
Anderton
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