A lire : Quel destin incroyable que celui de Stéphanie St Clair. Née pauvre à la Martinique à la veille du XXe siècle, la jeune femme a émigré aux Etats-Unis avant de devenir chef de gang à Harlem ! Son histoire est racontée avec maestria dans un album de bande dessinée intitulé Queenie, la marraine de Harlem (Editions Anne Carrière). Elizabeth Colomba et Aurélie Lévy signent un récit épique. Pas étonnant qu'une adaptation sur grand écran soit prévue.
Le dessin réaliste et élégant d'Elizabeth Colomba et son découpage cinématographique nous plongent dès la première planche dans le New York de l'entre deux guerres. La peintre française a cette fois-ci abandonné les couleurs pour poser un magnifique noir et blanc, qui lui permet de jouer avec les lignes et la lumière, dans l'esprit des films de gangsters des années 1920 et 1930. Un hommage aux productions hollywoodiennes qui s'exprime également par son art de la mise en page : elle multiplie les cases (jusqu'à 16 sur une planche) pour accélérer l'action ou instaurer de la tension. Son découpage est faussement classique, tant elle adapte le format des cases (carrées ou rectangulaires, horizontales ou verticales) afin de transmettre au mieux une atmosphère et dérouler une action. Il faut dire qu'Elizabeth Colomba a travaillé dans le cinéma comme storyboardeuse.
Le lecteur est happé, d'autant que la scénariste Aurélie Lévy a construit le récit en séquences qui révèlent la personnalité de la "boss" de Harlem et reviennent, via des flashbacks où le noir cède sa place au gris, sur sa jeunesse miséreuse et son parcours chaotique. Là encore, les auteures se démarquent d'un déroulé classique, en illustrant quelques idées lors d'intermèdes graphiques originaux, à la façon d'un film muet ou d'un plateau de Monopoly. On découvre ainsi l'incroyable force de caractère de Stéphanie St. Clair, exploitée et violée pendant sa jeunesse à la Martinique, oppressée et victime de racisme aux Etats-Unis. Elle sut pourtant tenir tête à la mafia et mettre Harlem sous sa coupe, alternant violence et générosité.
Le Monde, qui avait publié des extraits de la BD au cours de l'été, laisse entendre qu'un "gros studio" se chargerait d'une adaptation sur grand écran, avec une "très grande star" dans le rôle principal. En attendant, précipitez-vous sur cet album en tout point admirable.
Anderton
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