En DVD : Parisiens-Provinciaux, gilets jaunes-bobos, journalistes-blogueurs... la rencontre de deux mondes que tout oppose donne souvent lieu à des confrontations particulièrement dommageables et dont personne ne sort vainqueur. Alors, imaginez une cohabitation forcée ! Les piliers de comptoir et de plateaux TV prédiraient une guerre civile. Eugène et Dan Levy en ont fait une série TV très drôle, Bienvenue à Schitt's Creek (Schitt's Creek), dont Universal Pictures France a sorti les deux premières saisons en DVD.
Riche homme d'affaires, Johnny Rose vivait heureux dans sa demeure clinquante, en compagnie de son épouse Moira et de ses enfants, David et Alexis. Jusqu'à ce que le fisc débarque et saisisse tous ses biens à la suite d'une arnaque de son comptable. Seule possession qui lui reste : la petite ville de Schitt's Creek que l'ex-millionnaire avait achetée à son fils pour lui faire une blague. La famille Rose se rend donc sur place et s'installe dans deux chambres mitoyennes d'un motel miteux. En attendant de tenter de se refaire une santé financière, le quatuor fraie avec les locaux qui s'avèrent beaucoup moins sophistiqués que ses anciennes connaissances newyorkaises.
Schitt's Creek est une affaire de famille. Eugene Levy, le comédien pince sans rire aux sourcils broussailleux qui nous avait fait bien marrer dans American Pie, et son fils Dan Levy ont créé ensemble ce show qui joue et se joue des clichés et préjugés entre gens de la ville et gens de la campagne. Les anciens combattants dans mon genre ont tout de suite pensé, avec une pointe d'émotion et un bloc de nostalgie, à une autre série, culte : Les Arpents verts (Green Acres). Diffusée pendant six saisons sur CBS entre 1965 et 1971 (29 épisodes ont fait la joie des téléspectateurs d'Antenne 2 en 1979), le show créé par Jay Sommers narre les déboires d'un couple de New-Yorkais (Eddie Albert et Eva Gabor) qui décide de plaquer la Grosse Pomme pour aller planter des pommiers à la campagne.
Schitt's Creek reprend le même principe de balancer des individus dans un milieu étranger et d'observer la réaction qui s'en suit. Levy père et fils ont été sacrément inspirés puisqu'ils ont anticipé le grand mouvement du retour à la terre, provoqué par un an et demi de confinements à répétition. Oubliez pour autant la campagne éternelle, paradis retrouvé où le citadin épuisé peut se ressourcer tout en découvrant le plaisir de biner et de manger des oeufs frais. Le bled acquis par les Rose s'appelle Schitt's Creek, d'après le nom de son fondateur. Pas besoin d'avoir fait des études poussées dans la langue de Shakespeare pour comprendre l'homonymie entre ce nom de famille et les porte-bonheur dans lesquels on marche allègrement du pied gauche sur les chemins ruraux. Se retrouver dans ce patelin au milieu de nulle part, c'est en effet la merde pour les New-Yorkais sophistiqués.
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L'autre bonne idée de Dan et Eugene est d'avoir fait des Rose l'équivalent des Kardashian : une famille hors sol, obnubilée par le fric et les marques. Des prétentiards effondrés de devoir vivre comme des rednecks. Et, c'est la troisième bonne idée du duo, la série se moque autant des hillbillies aux manières rustres, débordant de gentillesse et de naïveté (pour ne pas dire autre chose), que de la smala sophistiquée et incapable de se faire à manger. Eugene Levy est impeccable en paternel un peu roublard qui tente de faire bonne figure et de rester civil mais pète souvent un câble face au maire de Schitt's Creek (Chris Elliott, impeccable en bourrin de première) ou à ses enfants. Catherine O'Hara (Maman j'ai raté l'avion) incarne Moira, une excentrique et vacharde ex-star de la télé. Dan Levy et Annie Murphy jouent des héritiers pourris gâtés, aussi horripilants dans leurs tics de langage ("totally") que dans leurs attitudes égocentriques.
Evidemment, au fur et à mesure des épisodes, ploucs et bobos vont parfois faire tomber les masques et révéler leur sensibilité. A ce titre, le personnage de David est développé avec beaucoup de nuances : maniéré et même qualifié de "précieux" par un des locaux, il semble être homosexuel. Un show moins fin aurait joué à fond la carte du gay paumé à la campagne. Dan Levy, qui a écrit beaucoup d'épisodes (il est le premier artiste à avoir gagné 4 Emmy Awards la même année - en 2020 - pour la meilleure série, le meilleur second rôle masculin, la meilleure réalisation et le meilleur scénario !), a au contraire choisi de laisser planer un doute jusqu'à ce que le personnage qu'il incarne affirme sa différence de manière inattendue. Avec en prime, une belle réaction de son papa qui exprime à la fois son soutien en même temps qu'une forme d'incompréhension. L'identité et l'image que chacun renvoie sont au coeur de la série, suscitant quelques moments d'émotion et surtout beaucoup de rires.
Bienvenue à Schitt's Creek est une série à la fois drôle et intelligente. Les 26 épisodes des saisons 1 et 2 sont dispo et, yipee, il reste quatre autres saisons à découvrir !
Anderton
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