En Blu-ray et DVD : Passées les vives réactions au Festival de Cannes 2021, il est désormais possible d'apprécier Benedetta dans le confort de son foyer. L'occasion de (re)découvrir le film de ce coquin de Paul Verhoeven avec une Virginie Efira en extase. Un film sulfureux, grotesque, féministe, habité, inspiré !
Au XVIIe siècle, la petite Benedetta est confiée à un couvent par ses parents. Devenue jeune femme, la nonne est sujette à des visions. Elle affirme que Jésus lui parle. Des stigmates apparaissent sur ses mains, ses pieds et son flanc. Sainte ou manipulatrice ? Les autres soeurs ainsi que les autorités religieuses sont divisées. C'est alors qu'une jeune paysanne arrive au couvent : Bartolomea suscite le trouble chez Benedetta.
Sulfureux, Benedetta l'est assurément et nul doute que le cinéaste néerlandais a été attiré par l'association dans cette histoire de trois thématiques qui traversent son oeuvre : le sexe, la violence et la religion. Du pur Verhoeven donc et pourtant, le film s'inspire de la vie de Benedetta Carlini, dont le témoignage a été découvert dans des archives à Florence par l'historienne Judith C. Brown, qui en a tiré un livre. Verhoeven explique dans un entretien inclus dans l'édition vidéo que l'ouvrage lui a été présenté par son ami et scénariste de longue date, Gerard Soeteman. Les deux hommes se mettent au travail mais ne s'entendent pas sur la teneur du script : Soeteman veut raconter l'histoire d'une prise de pouvoir, débarrassée de toute référence saphique, alors que pour Verhoeven, l'une ne va pas sans l'autre. Les deux hommes mettent fin à leur collaboration et à écouter Verhoeven, on comprend que leur amitié en a pâti. C'est David Birke, le scénariste d'Elle, qui embarque dans l'aventure.
Une libération
Verhoeven et Birke lâchent les chevaux : la passion selon Benedetta n'est pas seulement mystique, elle est également physique. Les scènes de sexe sont crues. Virginie Efira (Benedetta) et Daphné Patakia (Bartolomea) se mettent à nu. S'embrassent, se caressent. Verhoeven filme le plaisir chez des personnages dont la vie au couvent est marquée par la contrainte et la souffrance. Le regard du cinéaste n'est pas voyeuriste : il montre une libération. Des corps comme des esprits. Au sein d'une société oppressante et d'une communauté qui efface toute individualité, Benedetta reprend sa vie en main, démontre sa capacité à comprendre le monde qui l'entoure et la manière dont il est régi pour y gagner sa liberté et imposer son pouvoir. Un film féministe !
Ce qui n'empêche pas Verhoeven de ricaner, en pointant le cynisme, l'avidité, la perversité des puissants qui, sous le couvert de la foi, servent leurs propres intérêts. Même les personnages qui semblent purs succombent au vice. Elle est là, la vraie obscénité. Pour appuyer son propos, le cinéaste n'hésite pas à virer dans le grotesque et la scatologie. Merde, pet, pus, sang, lait giclé du sein... fluides et gaz jaillissent des corps malmenés. Rien n'est sacré.
Faites entrer les monstres
Une fois de plus, Paul Verhoeven réunit un casting formidable dont il tire le meilleur. Le film est habité par la prestation de Virginie Efira. On serait tenté de dire qu'elle s'est donnée corps et âme à son rôle. Dans le supplément du Blu-ray, elle démystifie toutefois sa prestation tout en évoquant son approche du personnage et sa méthode. La comédienne joue sans cesse sur le fil, entre intensité et apparente légèreté, gravité et malice. Elle nous hypnotise autant par sa beauté que par sa capacité à incarner l'extase ou la folie, dans un regard comme dans un cri. Sacrée performance.
Autre interprétation monstrueuse : celle de Charlotte Rampling, qui campe une mère Felicita figée. Dans ses gestes comme dans ses convictions. La Britannique fait passer toute l'ambiguïté de son personnage par des regards implacables. Daphné Patakia et Louise Chevillotte incarnent avec beaucoup de naturel l'innocence pervertie de Bartolomea et de soeur Cristina tandis que Lambert Wilson et Olivier Rabourdin livrent des prestations solides.
Echos cinématographiques
Benedetta nous transporte dans un monde inquiétant, magnifiquement reconstitué via les décors et les costumes. La musique exaltée d'Anne Dudley y participe également, de même que la photographie, somptueuse, de Jeanne Lapoirie. Décidément, le cinéaste a été inspiré par le destin incroyable de Benedetta, livrant un film à la fois maîtrisé et fou, complètement raccord avec son oeuvre. Deux scènes m'ont plus particulièrement fait penser à deux de ses précédents films : Benedetta qui s'assied puis écarte les jambes en relevant sa robe, comme un écho à l'interrogatoire de Catherine Tramell (Sharon Stone) dans Basic Instinct (1992) tandis que le visage défiguré et suppliant du nonce de Florence (Lambert Wilson) rappelle celui du criminel Emil (Paul McCrane) dans Robocop (1987).
Béni soit Verhoeven.
Anderton
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