En DVD : Plus qu'avec la politique, c'est avec les politiciens que les Français sont en désamour. Et on ne peut pas complètement les blâmer, tant certains représentants de parti se complaisent dans la polémique ou la petite phrase assassine. Pour son deuxième long-métrage, Thomas Kruithof s'est intéressé à une élue d'une ville de banlieue confrontée à la colère des habitants d'un HLM. Les Promesses, avec Isabelle Huppert et Reda Kateb, les tient toutes.
Clémence Collombert est sur le point de terminer son mandat. Cela fait des dizaines d'années qu'elle est maire d'une ville de banlieue parisienne. Pour ses adieux, elle a promis de soutenir sa collaboratrice Naidra, qui se présente aux élections, et surtout de régler l'insalubrité d'une barre HLM en obtenant des fonds publics dans le cadre du Grand Paris. Les locataires sont excédés mais acceptent de faire confiance à l'élue. C'est alors que Clémence se voit proposer de rejoindre le gouvernement en tant que ministre.
Thomas Kruithof, également coscénariste, a choisi de montrer le travail d'une élue de terrain, qui connaît bien son territoire et ses habitants. Une femme engagée, dont on comprend qu'elle a beaucoup donné pour le bien-être de ses électeurs et qui arrive à un stade de sa carrière où elle est prête à raccrocher, à quitter la politique et à profiter pleinement de sa retraite. Dans son entourage, personne n'y croit, sauf elle. Clémence veut partir en relevant un dernier défi : se débarrasser d'une verrue immobilière qui empoisonne le quotidien de dizaines de citoyens.
Duo et débats
Le film pose avec beaucoup de nuances les choix, politiques et moraux, qui découlent d'une situation. Quand sa carrière est dans la balance, Clémence reconsidère ses positions. Ce n'est pas forcément une trahison, nous dit le cinéaste. Pas plus qu'une promesse est forcément un mensonge à visée électoraliste. Nos élus sont soumis à des pressions de toutes sortes. La maire et son dircab organisent des débats publics, tentent d'obtenir le soutien des citoyens, flirtant sans cesse entre la méthode coué et la demi-vérité. Kruithof évoque l'art délicat du revirement et l'exercice difficile du compromis, sans jamais céder à un discours populiste. Pas de regard désabusé mais une vision lucide de l'action publique. On attend beaucoup de nos élus qui se (dè)battent avec des moyens limités.
Isabelle Huppert donne vie à Clémence Collombet avec la détermination qu'on lui connaît ainsi que cette espèce de lassitude qu'elle sait faire passer en une moue ou avec son ton inimitable. Elle forme un beau duo avec Reda Kateb qui incarne Yazid Jabbi, son directeur de cabinet, lui-même issu de la cité pourri. Il nous fait ressentir le dilemme de son personnage, également partagé entre une ambition personnelle et la volonté de changer les choses. Jean-Paul Bordes interprète avec justesse un habitant du HLM devenu porte-parole, un citoyen impliqué pétri de valeurs sociales qui ne s'en laisse pas compter tandis que Hervé Pierre est parfait en patron de parti habitué des grands écarts. Egalement au générique : Soufiane Guerrab en marchand de sommeil sans scrupules, Laurent Poitrenaux en grand commis de l'Etat expert en négociations (plus ou moins) subtiles et Naidra Ayadi en maire aspirante qui découvre la pratique du pouvoir.
Wild Side propose une édition complétée par un entretien avec Thomas Kruithof, qui expose son ambition et sa vision d'un univers trop souvent décrié. Les Promesses constitue une belle réussite qui, sans angélisme ni cynisme, nous réconcilie avec la politique et ceux qui l'exercent comme vocation, et non comme profession.
Anderton
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