jeudi 18 février 2016

L'Homme irrationnel : un Woody Allen existentialiste

En DVD et Blu-ray : Il faut toujours se méfier des intellectuels. Lorsqu'ils abandonnent la réflexion pour l'action, ils ont tendance à oublier les principes mêmes de ce qu'ils défendent. Démonstration par Woody Allen dans L'Homme irrationnel, qui sort en vidéo.


Après nous avoir émerveillé avec Magic in the Moonlight, Woody Allen nous ramène dans la réalité. De l'enchantement au désenchantement, en quelque sorte. Car Abe Lucas, le nouveau prof de philo d'une université de la Nouvelle-Angleterre, est un homme au bout du rouleau. Malgré sa réputation de Don Juan et d'esprit brillant, il a perdu goût à la vie. Son spleen émeut Rita, une de ses collègues, et Jill, une de ses étudiantes. Mais leurs avances ne parviennent pas à extirper Abe de sa dépression. Jusqu'à ce que le prof retrouve l'envie de vivre en ayant une idée folle : assassiner un salaud avec lequel il n'a aucun lien.

Ethique en toc

Woody Allen nous embarque dans son histoire et nous séduit par ses dialogues enlevés, truffés de références philosophiques. Les personnages invoquent Kant ou Sartre avec un naturel propre aux créatures du cinéaste. On se passionne pour ces débats moraux qui s'entremêlent (s'interpénètrent !) avec des histoires amoureuses. La légèreté initiale prend du plomb dans l'aile à mesure que progresse le récit. A l'instar de la magnifique photo de Darius Khondji : les teintes chaudes et dorées de l'été sont progressivement remplacées par des couleurs plus sombres, plus ternes.

Au-delà de cette brillante (dé)construction existentialiste - L'Homme irrationnel peut être considéré comme une variation jazzy de L'Etranger de  Camus -, le cinéaste met en scène sa vie, comme à son habitude. Le vieux désabusé, la jeunette, la femme mûre bafouée... pas besoin de vous faire un dessin. Joaquin Phoenix, bedonnant, butant sur les mots à la Woody, apporte beaucoup de nuances à son personnage : on le plaint, on l'approuve, on le condamne tour à tour, sans jamais pouvoir vraiment le haïr alors qu'il se révèle être un beau salaud. Emma Stone confirme qu'elle est à l'aise dans l'univers du cinéaste : elle est belle, intelligente et volubile, comme bon nombre d'actrices fétiches de Woody. Parker Posey semble avoir pris dix ans de plus pour interpréter la femme qui veut vivre une seconde jeunesse. Le romantisme des deux héroïnes s'écrase sur le cynisme du principal protagoniste. Et tout ça, sur fond d'un standard de jazz des plus enjoués, The In Crowd.


Sacré, Woody. Le Blu-ray, édité par FranceTV Distribution et TF1 Vidéo, ne comprend pas de bonus. Dommage mais on se contentera amplement du film.

Anderton

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