mardi 14 mai 2019

Cannes 2019 : Alain Delon, ses chefs-d'oeuvre (1/4)


Artistes : Après un hommage en 2013 avec la version restaurée de Plein Soleil, le Festival de Cannes 2019 déroule le tapis rouge pour Alain Delon le 19 mai : projection de Monsieur Klein, suivie de la remise d’une Palme d’honneur ; master class le matin même ; projection d’une version inédite et restaurée du Professeur dans le cadre de Cannes Classics. C’est un fait : Alain Delon, c’est aujourd’hui un monument. A tel point que Gilles Jacob racontait dans son Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes l’anecdote suivante : si Alain Delon vous appelle et dit "Allô, c’est Alain !", vous n’avez pas intérêt à répondre : "Alain qui ?". 



Mais la longévité (60 ans) et le nombre de films (plus de 80) qui composent sa carrière témoignent pour lui. Outre sa beauté irradiante – qui n’a vu le regard caméra de Delon dans Rocco et ses frères n’a peut-être jamais tutoyé ce qu’on appelle la cinégénie – Delon marque son jeu par une indicible mélancolie, ainsi qu’une tendance réelle à une dose de masochisme. Ce qui en fait un acteur au jeu racé, beaucoup plus complexe qu’attendu. Malgré cela, il est plus souvent raillé et moqué qu’adulé. Et ce, à ses dépens. Car pour la génération Y, c’est qui, Alain Delon ? Une marque de cigarettes en Asie ? Un mannequin pour Eau sauvage, de Dior ? Le Monsieur Loyal des Miss France ? Ou pire encore, une marionnette aux Guignols ? Force est de constater que la dernière partie de la carrière cinéma de Delon regorge de pépites. De pépites dignes de trôner au royaume des nanars.

S’il n’avait pas fait de tels choix en fin de carrière, Delon aurait pu devenir notre Clint Eastwood. Acteur, réalisateur, scénariste, producteur, animé d’une réelle ambition artistique, enclin à bouger son image, il avait tout pour... Reste une carrière qui se conjugue au passé, truffée de titres étincelants. Alors, à l'occasion de la Palme d'or qui lui sera remise, faisons le point sur sa carrière en 4 actes :
- Les chefs-d’oeuvre, qui l’ont propulsé dans l’histoire du cinéma ;
- Les polars, qui ont assis sa popularité ;
- Les nanars, qui ont entaché la dernière partie de sa carrière et dégradé son image ;
- Les pépites méconnues, qui en font un acteur insuffisamment reconnu.

9 titres pour la gloire

Plein Soleil (1960) : d'après Patricia Highsmith, ce polar psychologique situé dans l'Italie de la dolce vita a pour héros deux hommes - "en gros, l'histoire de deux pédés !", dira son scénariste Paul Gégauff – qui se battent pour les beaux yeux de Marge, la mystérieuse Marie Laforêt. Première rencontre avec son double ombrageux, Maurice Ronet. Inoubliable scène de voile, inoubliable duel au soleil pervers et machiavélique, magnifié par la lumière d'Henri Decae.



Rocco et ses frères (1960) : Rocco Parondi, c’est lui ! Le destin de 5 frères, dans l’Italie industrielle de l’après-guerre. Dans le rôle du boxeur, Delon est la révélation du film. Animal, candide et violent. Celui sans qui Visconti n’aurait jamais tourné Rocco et ses frères. C’eût été dommage.



L'Eclipse (1962) : dans l’univers désertique et post-nucléaire d’une Rome déshumanisée, Delon prête ses traits juvéniles à un personnage du côté de la vie. Incandescent, il est l’antithèse des héros antonioniens. Le pôle solaire du soleil noir mélancolique qu’est Monica Vitti.



Le Guépard (1963) : faut-il encore le présenter ? Palme d’Or à Cannes, cette oeuvre indémodable marque un tournant dans l’œuvre de Visconti. Et dans celle de Delon qui, dans le rôle de Tancrède, y peaufine son personnage d’ambitieux instinctif, de combattant animal et de représentant d’une nouvelle génération. Eblouissant.



Le Samourai (1967) : LE rôle qui minéralise définitivement Delon. Muet et hiératique, il campe Jeff Costello, tueur solitaire, avec pour unique compagnon un mainate. Le réalisateur Jean-Pierre Melville et le compositeur François de Roubaix y recréent un univers parisien aujourd'hui disparu, ce qui renforce la mélancolie existentielle qui se dégage du personnage campé par Delon. Une source d’inspiration inépuisable pour les cinéastes de Hong Kong.



La Piscine (1968) : sur une intrigue à la Chabrol, le jeu pervers et sexy d'un quatuor au sommet de sa beauté : Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet, Jane Birkin, autour d'une piscine tropézienne. Une miraculeuse réussite.


Le Cercle rouge (1970) :
avant-dernier des trois films qu’il tourne sous la direction de Jean-Pierre Melville, c’est le polar français archétypal. Delon y campe la figure d’un repris de justice, en cavale et qui prépare un casse. Un des rares films où Delon est entouré d’une solide équipe d’acteurs – et quels acteurs ! Yves Montand, Gian Maria Volonté, Bourvil, François Périer.




La Veuve Couderc (1971) : d’après Simenon, réalisé par Pierre Granier-Deferre, il se confronte à Simone Signoret dans le rôle titre. Affrontement, puis un amour naissant entre ces deux monstres, lui bagnard en cavale, elle en paysanne en lutte contre sa famille, dans la France des années 30. Classique indémodable.


Monsieur Klein (1977) :
destin kafkaïen pour cet amateur d’art, pris pour un autre, et broyé dans l’engrenage de la France de 1942, de la collaboration, de l’antisémitisme, de la déportation et des camps de la mort. Magnifié par Joseph Losey, Delon sous-joue l’essence tragique de la condition humaine. Admirablement.




Travis Bickle

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