En DVD : L'éditeur Sidonis Calysta sort en master haute définition quelques perles du film noir, dont le sublime Des pas dans le brouillard (Footsteps in the fog, 1955), réalisé par Arthur Lubin. En têtes d'affiche, un couple à la ville comme à l'écran : Stewart Granger et Jean Simmons.
Dans le Londres de l'époque victorienne, un homme pleure sa femme décédée. Mais pas pour longtemps : Stephen Lowry (Stewart Granger) jouit de la fortune laissée par son épouse, dont la mort n'a rien de naturelle. Lily, une de ses domestiques (Jean Simmons), a découvert le macabre secret et peut faire chanter le veuf plus tout à fait joyeux. Débute alors une relation marquée par la manipulation, le mensonge et la cruauté.
Le spectateur assiste avec fascination à ce bras-de-fer machiavélique où, tour à tour, le veuf et sa gouvernante prennent l'ascendant l'un sur l'autre, tantôt avec une sorte de raffinement vicieux, tantôt avec une violence à peine contenue. Le tout dans une atmosphère chargée d'érotisme vénéneux. Stewart Granger (Scaramouche, Les Contrebandiers de Moonfleet) incarne un aristocrate antipathique, dont les bonnes manières peinent à cacher la noirceur de l'âme. Le comédien est particulièrement inquiétant et, c'est un détail anatomique que je n'avais pas remarqué avant, il est doté d'énormes paluches qui tranchent avec les traits fins de son visage. Des mains d'assassin qui paraissent d'autant plus monstrueuses lorsqu'elles serrent le cou gracile de Jean Simmons (Le Narcisse noir, Spartacus). Laquelle irradie de beauté et d'innocence, y compris lorsqu'elle menace à demi-mot son employeur. L'actrice joue sur sa fragilité associée à une froide détermination pour parvenir à ses fins. Et contrairement à Lowry, Lily nous émeut par son désir d'ascension sociale et sa recherche d'un amour romantique.
Le film met également en scène un affrontement qui illustre la lutte des classes, entre la jeune Lily, issue d'un milieu populaire, qui rêve de quitter sa condition et Lowry, qui lui aussi veut tracer son chemin auprès de la "haute". Des pas dans le brouillard serait presque une sorte de My Fair Lady contrarié, à la fois féroce et sadique. Costumes et décors sont somptueux. La maison de Lowry, avec ses pièces à l'aménagement surchargé et son escalier monumental, est un personnage en soi. Elle illustre les aspirations du duo en même temps qu'elle retranscrit leurs desseins malsains, avant de se transformer en piège étouffant. La photo, magnifique, est signée Christopher Challis, fidèle collaborateur de Michael Powell et Emeric Pressburger (Le Narcisse noir, Les Chaussons rouges...), qui a aussi travaillé avec Joseph Losey, Stanley Donen, Blake Edwards, Billy Wilder (La Vie secrète de Sherlock Holmes) et même les ZAZ (Top Secret) !
Sidonis Calysta nous propose le film dans une belle version, qui rend hommage au Technicolor de l'époque. Avec en prime des présentations du film par Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif. Autant d'éclairages passionnants qui nous en apprennent un peu plus sur le film, ses acteurs et son metteur en scène, le méconnu Arthur Lubin, qui a enchaîné les nanars (certains ayant pour héroïne une mule qui parle !) et pourtant réalisé ce petit bijou titré en version italienne Les Pervers (I Perversi) et que Brion n'hésite pas à qualifier de "film noir victorien".
Anderton
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