En Blu-ray et DVD : Si je vous dis "polar des années 1970", il y a fort à parier que vous viennent en tête des images des rues crasseuses de New York ou San Francisco. C'est oublier qu'au même moment, l'Italie traverse les années de plomb en comptant les morts provoqués par des attentats de groupuscules et barbouzes en tous genres. Un climat propice à l'éclosion du polar-spaghetti. On pourrait même parler de polar-risotto avec la Trilogie du milieu, réalisée par Fernando Di Leo et dont les deux premiers opus se déroulent dans la brumeuse Milan. Trois néo-polars teigneux, kiffés par Quentin Tarantino himself, et qu'Elephant Films ressort dans un bon coffret vidéo.
Cette trilogie transalpine est composée de films sans lien les uns avec les autres, si ce n'est que Milan Calibre 9 (Milano Calibre 9, 1972) et Passeport pour deux tueurs (La Mala Ordina, 1972) se déroulent à Milan tandis que Le Boss (Il Boss, 1973) a pour théâtre Palerme. L'unité tient surtout à l'approche de Fernando Di Leo qui signe des films d'action dans lesquels des bandits solitaires tentent d'échapper à des voyous dégénérés et à des flics ripoux. Grandes gueules et gros calibres. Quand il s'agit de faire disparaître ses ennemis, il n'y a rien de mieux que l'explosif ! Les "héros" sont juste moins pourris que les autres... et ils le paient au prix fort. On croise aussi quelques personnages féminins que le cinéaste se complaît à filmer dénudés ou violentés.
Dans Milan Calibre 9, Ugo Piazza (Gastone Moschin) sort à peine de taule qu'il a déjà sur le dos Rocco Musco (Mario Adorf), un Sicilien barge qui bosse pour l'Américain (Lionel Stander, Max dans L'Amour du risque). Lequel accuse Ugo d'avoir planqué l'argent d'un casse qui a mal tourné. Ugo dément et s'en prend plein la tronche. Gastone Moschin campe un dur à cuire taiseux tandis que Mario Adorf en rajoute dans le baroque (sicilien). Son interprétation dans Passeport pour deux tueurs est beaucoup plus nuancée : il y joue Luca Canali, une petite frappe prise pour cible par deux killers (Henry Silva et Woody Strode) envoyés par un parrain américain. Là encore, Luca en voit des vertes et surtout des pas mûres mais il a le cuir épais et une rage de vivre qui provoquera quelques décès. L'autre personnage à part entière, c'est Milan. Dans le premier opus, la cité lombarde nous apparaît fidèle à sa réputation industrieuse et brumeuse. Elle contribue à donner une ambiance glauque au film. Dans le second opus, elle est toute aussi présente mais cette fois-ci, l'action se déroule aux beaux jours et la ville offre un visage atypique, presque méridional. Changement de décor avec Le Boss : Henry Silva prête à nouveau ses traits à un tueur, cette fois-ci au service d'une famille mafieuse de Palerme. Expression impassible, regard dur, il flingue selon un code d'honneur abandonné depuis longtemps par ses patrons et ses ennemis. Pour le coup, la capitale sicilienne est peu mise en valeur.
A noter les présences aux génériques d'Adolfo Celi (Opération Tonnerre), Franco Fabrizi (Le Petit Baigneur) et Vittorio Caprioli (L'Aile ou la cuisse) dans des registres de jeu plus marqués, qui frôlent parfois la bouffonnerie. Un décalage étonnant. Fernando Di Leo aime ce mélange des genres, puisqu'il associe à des séquences d'action très réussies un portrait au vitriol des élites italiennes : les policiers font de la politique ou se mettent aux ordres des mafieux, lesquels fricotent avec les politiciens. Le Boss fait scandale à sa sortie mais le cinéaste s'en tire sans recevoir une volée de plombs... Evoquons enfin les musiques bien groovy signées Luis Enriquez Bacalov et Armando Travaioli.
L'influence de la trilogie est manifeste dans la filmo de Quentin Tarantino, qui a d'ailleurs rendu hommage à Di Leo. On y retrouve des accès de violence crue et des "méchants" aussi barrés que pervers. A redécouvrir subito donc. D'autant qu'Elephant Films complète chaque galette de bonus (français et italiens) éclairants et ajoute un livret sur la trilogie et le (sous) genre du Poliziottesco.
Anderton
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