Le cinéma, c'est parfois la guerre. Deux ouvrages passionnants en apportent une éclatante démonstration à travers deux actrices : Claudia Cardinale et Brigitte Bardot. La première est, en 1963, à l'affiche de Huit et demi et du Guépard. L'occasion pour Francesco Piccolo d'évoquer l'antagonisme entre Federico Fellini et Luchino Visconti dans La bella confusione. Quant à B.B., elle s'est retrouvée cinq ans plus tard sur un tournage dans un bled paumé de l'Espagne immortalisé par Gainsbourg. Philippe Lombard nous raconte tout dans Almeria 68.
Francesco Piccolo : La bella confusione (Albin Michel)
En 1963, le cinéma italien est à son pic. Deux maestri sont également au sommet de leur art : Federico Fellini et Luchino Visconti. Encensés par la critique, récompensés dans les festivals, leurs films attirent le public en masse dans les salles. Et les deux cinéastes se détestent. Tout part d'une foire d'empoigne lors de la Mostra de Venise en 1954 : La Strada et Senso sont favoris pour remporter le lion d'or. La politique s'en mêle, les ego boursouflés s'affrontent, les partisans de chaque camp en viennent presque aux mains. La rupture est consommée. Neuf ans plus tard, Fellini et Visconti tournent en même temps Huit et demi et Le Guépard. Acteurs, techniciens, producteurs doivent choisir leur camp mais, sollicitée par les deux hommes, Claudia Cardinale est engagée sur chaque production.
Romancier, scénariste de Nanni Moretti (Le Caïman, Habemus Papam, Mia Madre), Francesco Piccolo revient sur les tournages mouvementés de ces deux futurs chefs-d'oeuvre - le vrai sujet du livre plus que l'actrice. A priori, tout oppose les deux cinéastes - personnalité, manière de travailler, sujets de leurs films... Et pourtant, Piccolo parvient à dissiper la belle confusion et à faire de brillants rapprochements. Sa chronique est précise, s'appuyant sur les meilleures sources, sans jamais tomber dans la thèse universitaire. Au contraire, il s'inclut dans le récit, racontant son admiration maniaque pour Fellini (à tel point que son frère le surnommera par le nom de Federico). Un ouvrage indispensable pour les amoureux du cinéma italien. Piccolo è grande!
Philippe Lombard : Almeria 68 (Hugo Doc)
Philippe Lombard est un fin connaisseur du cinéma, qu'il évoque avec la générosité et la gourmandise du conteur. S'il a démontré qu'il sait trousser une anecdote en quelques lignes ou paragraphes, son style tient parfaitement la route, fût-elle poussiéreuse, sur le long format. La preuve avec cet Almeria 68, qui nous transporte dans un recoin désertique d'Andalousie où les cinéastes du monde entier viennent y tourner des westerns et des films d'aventure censés se dérouler au Moyen-Orient. Avant les pavés, la plage : de janvier à mars 1968, une brochette de stars se retrouve coincée dans cet Hollywood du pauvre, loin du glamour californien. Brigitte Bardot, Sean Connery, Michèle Mercier, Michael Caine, Jane Birkin, René Clément, Sergio Leone se partagent des hôtels perdus et des étendues minérales, où des tanks croisent des diligences... parfois au même moment, coupez, on reprend !
B.B. déprime sans Gainsbourg, Connery et Mercier veulent faire oublier James Bond et Angélique, Michael Caine est persuadé qu'il va devenir une star. Tout ce petit monde se fréquente, se supporte, se morfond, flirte. La suite de Bardot se transforme le soir en discothèque. Les tournages sont épiques. Et Lombard nous raconte ça avec le souffle et l'humour qu'on lui connaît. Lui aussi a potassé ses sources (qu'il partage généreusement) : il s'est approprié articles de journaux, interviews TV et biographies pour en faire un récit enlevé et débordant d'infos. Il propose même une B.O. pour accompagner chacun des chapitres. Mais impossible d'échapper à ce mot prononcé avec éclat par Gainsbourg dans Initials B.B. : Almeria !
Anderton
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