vendredi 28 octobre 2011

Poulet aux Prunes : délice aux prunelles


En salles : Comme son nom l’indique, ce Poulet aux Prunes nous propose un mix sucré-salé. Qui mélange les genres, les acteurs, les tonalités. Et qui multiplie les audaces narratives, tente des trucs, en réussit beaucoup, en rate certains.

Mélo aux allures de conte poétique

Car c’est la toute première qualité de ce conte poétique : son audace narrative et formelle. Gonflé, que de proposer un conte oriental contemporain, tiré d’une BD, dans des décors en carton-pâte censés figurer l’Iran des années 50, avec des acteurs réels dans notre France si cartésienne, si férue de psychologie, d’action et de terroirs ! Pari réussi sur toute la ligne : on est embarqué dans une histoire aux multiples ramifications, centrée sur les 8 derniers jours d’un violoniste incarné par Amalric, décidé à mourir après que sa femme lui eut volontairement détruit son précieux instrument. Truffée de flashbacks, ellipses, et flashforward, l’intrigue évoque avec délice et malice aussi bien les charmes des Contes des 1001 nuits, les labyrinthes narratifs de Raoul Ruiz ou les coqs à l’âne de Luis Bunuel. 



Pari gagné sur toute la ligne

Ce serait déjà beaucoup, s’il n’y avait la mise en scène de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Ces deux-là, certains critiques les attendent au tournant, après le triomphe mérité de Persepolis. En adaptant leur BD avec de vrais acteurs, comment allaient-ils s’en sortir ? Eh bien, pari gagné sur toute la ligne grâce à un parti pris : jouer la carte de l’artifice. D’où de majestueux décors en carton-pâte reconstitués dans les studios de Babelsberg ; d’où l’alternance des genres – on passe allègrement du drame à la comédie, de l’onirisme au mélo, du picaresque au soap opera. Pour un final mélodramatique de toute beauté. Pour notre plus grand délice.

Plaisir redoublé par la joie de voir des acteurs jouer comme des gamins, se déguiser, s’amuser, se délecter. Mathieu Amalric, en musicien malheureux, en amoureux transi, en homme au bord du précipice ; Maria de Medeiros, en harpie du foyer ; ou Edouard Baer, en narrateur et incarnation malicieuse d’Azraël, la Grande faucheuse. Et surtout, deux femmes. Chiara Mastroianni, d’abord. Elle n’a que quelques scènes, mais elle n’a jamais été aussi voluptueuse en femme fatale. Rien qu’en quelques scènes, elle impose durablement sa composition de vamp des casinos. Du grand art ! Enfin, une inconnue : Golshifteh Farahani, Dans le rôle crucial de l’amour de jeunesse d’Amalric, sa beauté envoûtante et son charme persan ne passent pas inaperçus !

Cerise sur Poulet aux Prunes

Enfin, ce mélo aux allures de conte poétique est aussi une véritable déclaration d’amour au cinéma. De par sa mise en scène, son intrigue, ses comédiens, ce Poulet aux Prunes regorge de citations. J’en retiendrais trois : Fellini et Huit et demi, pour l’aspect onirique qui entoure les scènes cenrtées sur Amalric alité qui revit son enfance ; Truffaut et L’Homme qui aimait les femmes, pour les langoureux travellings sur les jambes féminines dans le Téhéran des années 50 ; Bergman et Le 7ème sceau, pour le dialogue entre Amalric et la mort… Mais on pourrait citer tout le cinéma expressionniste allemand, ou les mélos de Douglas Sirkr.

Bref, 1h30 de bonheur à consommer sans modération, malgré quelques scories par ci, par là – un trop plein de musique qui alourdit l’ensemble et amoindrit le pouvoir émotionnel du film ; ou un Jamel pas toujours maîtrisé, notamment dans le rôle du prophète. Mais ce n’est pas grave – c’est bien le propre en somme de tout bon plat cuisiné maison et avec amour : toujours un peu de gras, et quelques aromates de trop… !


Travis Bickle

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