mardi 30 décembre 2014

A Most Violent Year : magistral et frustrant


En salles : New York, 1981. C’est le décor de A Most Violent Year, au moment même où la corruption et la violence à leur paroxysme gangrènent la ville. Abel Morales (Oscar Isaac), père de famille immigré soutenu par sa femme Anna (Jessica Chastain) n’a qu’une ambition : faire fleurir sa petite entreprise dans le secteur du pétrole. Mais la route est semée d’embûches.


Brushing 80’s impeccable et dégaine d’Alpha Male, Oscar Isaac, récemment remarqué pour sa prestation dans Inside Llewyn Davis des frères Coen, campe un personnage déterminé et sûr de lui, masque "Poker Face" en toutes circonstances, que rien ne semble ébranler. Jessica Chastain, quant à elle, (dont on ne cite plus les rôles tant ils sont nombreux, dernier en date dans "Interstellar")  incarne Anna Morales, sa femme, une blonde incendiaire pleine d’assurance et de culot, qui épaule son mari dans la gestion de son business et n'hésite pas à lui tenir tête, quitte à l'émasculer parfois dans une ou deux scènes assez cocasses.

Et les inquiétudes d’Anna, suite à quelques événements qui sonnent comme des avertissements, finissent par s’avérer fondées. Car le danger n’est jamais très loin... Le couple charismatique qu’ils incarnent et leur réussite commencent à leur attirer des ennuis. Leur business ainsi que leurs employés, en première ligne, font les frais d’un braquage destiné à voler leur cargaison de fioul domestique. Les ennuis ne font que commencer.

J.C Chandor meets Sidney Lumet meets James Gray

J.C Chandor, réalisateur du film, nous avait déjà séduits avec Margin Call et All is Lost où Robert Redford campait un vieux loup de mer magnifique et mutique, luttant pour sa survie après que son bateau eut percuté un container en pleine mer. Un face à face avec la mort au gré des souvenirs de toute une vie, filmé magistralement. 

Et c’est également ici ce qui saute aux yeux : une maestria visuelle. Car le regard et la lumière que J.C Chandor et son directeur photo (déjà à l’œuvre sur Les Amants du Texas de David Lowery, avec Casey Affleck et Rooney Mara) posent sur la ville ne sont pas sans rappeler Sidney Lumet et James Gray. Une maîtrise visuelle et technique qui renforce l’intrigue et l’atmosphère particulière du film. Notamment une scène de fusillade sur le pont de la 59e avenue, à la lumière incroyable et des scènes chez un barbier, moments jouissifs de faces-à-face déguisés, ainsi qu’une ribambelle de plans tous plus travaillés les uns que les autres.

Une mise en bouche efficace... et après ?

Si la violence est omniprésente, elle n’est pas forcément toujours visible. Car tout le monde cache bien son jeu. Derrière les sourires de façade et la décontraction affichée, pointent les ambitions et les jalousies des uns et des autres. Et l’ambition naïve d’Abel Morales (ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard s’il se nomme ainsi, car il met un point d’honneur à rester intègre) se heurte à une réalité bien sombre. Car respecter les règles ne suffit pas quand le spectre de la corruption et de la violence rôde.

J.C Chandor sait faire monter la tension, c’est certain. Et il le prouve à diverses occasions dans des scènes déroutantes. Il met également en lumière le destin des immigrés, entre réussite et sentiment d’échec dans la course au rêve américain, pivot de cette fable où les plus faibles vacillent en entraînant parfois les autres dans leur chute. Or, quel est son but en nous racontant cette histoire ? Le film s’impose comme une belle mise en place, des prémices qui nous donnent envie de voir la suite. Mais quelle est-elle ? La trajectoire des personnages est intéressante mais semble s’arrêter net, presque en plein vol.

Car il y a clairement matière pour une histoire plus fouillée, servie par deux acteurs charismatiques, Isaac et Chastain, dont on ne fait malheureusement qu’entrapercevoir la personnalité. J.C Chandor nous en dévoile si peu. Et l’on reste donc un peu sur sa faim, alors que les deux dernières scènes, lourdes de sens offrent une belle montée en puissance. Mais l’on n’en saura pas plus...

Joanna Wallace


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