mercredi 7 octobre 2015

L’Etudiante et Monsieur Henri : coup de coeur !

 
En salles : On appelle ça une comédie. L’Etudiante et Monsieur Henri est sorti sur nos écrans et il ne faut pas passer à côté de ce petit bijou.


 
Constance, jeune étudiante, provinciale de surcroit, et qu’on sent un peu paumée, déboule à Paris pour passer ses partiels de septembre en espérant pouvoir continuer ses études. L’idée, c’est d’échapper à tout prix au schéma familial : "Tu vendras des fruits et légumes sur les marchés ma fille…" Bon mais avant ça, il faut trouver un logement. Et c’est là que la galère commence pour tout jeune désirant un nid "à la capitale". Les quelques scènes de recherche de piaule, au parfum de L’Auberge Espagnole, conduisent Constance à frapper à la porte d’Henri, vieux schnock veuf, aigri et misanthrope. Ce dernier, après avoir tout fait pour la dégoûter, finit par lui louer une chambre dans son grand appart haussmannien.
 
Henri, est un repoussoir social, autoritaire, et solitaire. Il terrorise son fils Paul (Guillaume de Tonquédec) depuis son plus jeune âge, et régente sa vie jusqu’à lui avoir imposé de devenir expert-comptable pour ensuite lui revendre son cabinet. Mais par-dessus tout, il hait prodigieusement Valérie (Frédérique Bel), sa bru, une bourgeoise étriquée et grenouille de bénitier, que Paul a épousée contre son avis.
 
Constante est dans sa jeunesse, volontaire, fraiche et énergique, un vrai tourbillon. Pourtant, à force d’entendre depuis toute petite, qu’elle n’est qu’une bonne à rien, elle rate à peu près tout ce qu’elle entreprend. A commencer par ces fichus partiels. Bon. Que faire pour échapper à Orléans ? Mentir. Deuxième problème, Constante est un panier percé et très vite n’a pas de quoi payer son loyer. Elle s’en ouvre à son irascible propriétaire, qui la congédie séance tenante. A moins que. A moins que Constante n’accepte "d’étourdir" Paul, afin de briser purement et simplement son mariage. Sympa le deal ! Affaire conclue et Constance se met à l’œuvre... De ce pacte "diabolique", de cette cohabitation qui tient de la carpe et du lapin, naîtra une relation sincère qui va bouleverser leur vie mais également celle de Paul et Valérie.
 

 
Gravité et légèreté
 
Ivan Calbérac met à l’écran la pièce du même nom qu’il a lui-même écrite après avoir lu que des personnes âgées offraient à des plus jeunes moyennant finance, gite et couvert, pour arrondir leurs fins de mois (lire notre article sur l'avant-première). On pense assez vite à Une hirondelle a fait le printemps, où Mathilde Seigner installe son élevage de chèvres dans la ferme désaffectée d’un vieux barbon grincheux joué par l’immortel Michel Serrault. Mais le film d’Ivan Calbérac apporte l’humour et la dérision en plus. Dans ce huis-clos familial, il réussit une alchimie en jouant sur les contraires : un monstre sacré, Claude Brasseur (lire notre lettre ouverte)des acteurs confirmés tels que Guillaume de Tonquédec et Frédérique Bel, et un jeune talent prometteur Noémie Schmidt, pour un film tout en justesse et délicatesse. Sans oublier l'excellent Thomas Solivérès, qui incarne Mathieu, amoureux éperdu de Constance qui fuit dans un tour du monde à vélo, un amour qu’il croit impossible.  
 
Car il s’agit ici bel et bien de sujets graves : la blessure d’Henri, jamais remis du décès de sa femme, de son incapacité patente à dire je t’aime ; celle de Constance que le déterminisme familial condamne à être une ratée. On est saisi par les stratagèmes qu’elle met en place pour s’en extraire, mais également par ceux qui inconsciemment la font capituler et se rendre aux arguments de son père. Et que dire de Paul qui depuis l’enfance est sous perfusion d’autorité et qui lui, a baissé les bras depuis longtemps. Et Valérie, enfin, qui s’enferme dans des convenances pour mieux masquer sa fragilité.
 
Tous ces mécanismes sont remarquablement illustrés par une caméra proche de l’acteur dans ce film (que la permanence des décors rapproche du théâtre), et par la musique originale de Laurent Aknin. La musique est d’ailleurs dans le film la pierre philosophale qui pansera les plaies des personnages qui sont immédiatement nos amis.
 
Coup de cœur. A voir absolument !
 
Moustachement vôtre,
Jean-Jacques Castella

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